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le congrès de Vérone. Tout se lient et s’enchaîne dans cette œuvre de réaction en trois actes ou en trois congrès.

C’est à Troppau, au mois d’octobre 1820, que commence l’action, que se trouvent de nouveau réunis souverains et ministres, dans des dispositions assez différentes. L’Angleterre, toujours fidèle à sa politique, se rendait au congrès pour ne pas rester étrangère aux délibérations européennes, sans vouloir toutefois participer aux démonstrations qui se préparaient; elle entendait se borner à une neutralité qui laisserait tout faire en ne coopérant à rien. La France, qui était représentée par M. de La Ferronays et qui n’avait pas été moins émue que les autres de la révolution de Naples, la France, après avoir hésité un instant, retenue par l’Angleterre ou préoccupée de ses intérêts d’influence en Italie, ne tardait pas à se joindre au mouvement; elle ne gardait provisoirement une sorte d’attitude indépendante ou distincte que par suite de ses embarras intérieurs[1]. En réalité, tout se passait d’abord entre les trois puissances qui, depuis, ont été si longtemps alliées, l’Autriche, la Russie et la Prusse, sous la vive et décisive impulsion de M. de Metternich, dont l’habileté avait été de saisir, sans perdre un instant, l’occasion que les événemens lui offraient de se faire l’inspirateur avant d’être l’exécuteur des résolutions de l’Europe. Il était servi par les circonstances, qui paraissaient justifier ses prévisions et sa politique. Il n’avait plus maintenant à craindre les ambiguïtés ou les fantaisies libérales de l’empereur Alexandre, que les derniers incidens d’Allemagne, d’Italie ou d’Espagne avaient violemment affecté et « converti, » qui arrivait à Troppau tout plein d’idées contre-révolutionnaires; et rien n’est certes plus curieux que les premières entrevues du chancelier autrichien avec l’empereur de Russie. Le chancelier triomphe, dans ses lettres intimes, avec une suffisance qui ne lui manque jamais. Il se montre protecteur et un peu ironique

  1. Il est certain que la politique de la France tendait à se distinguer de la politique de l’Autriche en Italie, jusqu’à l’assassinat du duc de Berry, qui provoquait un si grave changement ministériel, et jusqu’à la révolution de Naples; elle était jusque-là relativement libérale. A dater de ce, moment, c’est-à-dire de 1820, la France flottait encore un peu, puis se rapprochait tout à fait des cours absolutistes. Gentz, qui était de tous les congrès, écrivait : «... La conduite du gouvernement français s’est ressentie du mauvais exemple que lui a donné l’Angleterre, et M. Decazes, — alors ambassadeur en Angleterre après sa chute, — jaloux du beau rôle qu’un ministère dont il ne fait plus partie aurait pu jouer dans cette occasion, n’a rien négligé pour égarer et inquiéter le roi, pour lui prouver la nécessité absolument imaginaire de le placer sur la même ligne que le cabinet de Saint-James. Ses efforts n’ont eu toutefois qu’un succès partiel. Le langage de la France a différé toto cœlo de celui de l’Angleterre. Les ministres de la France avaient pour instruction de se tenir à l’écart; mais aussi souvent qu’ils ont parlé, ce n’a été que pour exprimer les dispositions les plus bienveillantes... » (Dépêches inédites de Gentz, t. II, p. 118.)