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étincelles de lumière dans les âmes obscures. Il y eut là, dans ce coin perdu, en frontière des fortifications de Paris, des luttes admirables pour rendre la bienfaisance plus active et plus féconde, et, par une de ces contradictions apparentes qui se renouvellent si fréquemment dans le monde de la charité, les femmes riches enseignaient aux femmes misérables l’art de l’économie et les avantages de l’épargne. La démonstration n’était point superflue, car la pauvreté, vivant au jour le jour, est insouciante et aime à dépenser avec prodigalité, ne serait-ce que pour échapper momentanément à l’habitude des privations. Il est illimité, le nombre des indigens qui, recevant l’aubaine d’une centaine de francs, les mangent et surtout les boivent au cours de la même journée. Je reprochais, une fois, à un pauvre diable d’avoir fait la folie de gaspiller, en moins de vingt-quatre heures, 250 francs qui auraient pu assurer son existence pendant plusieurs semaines ; il me répondit : « Je sais bien que j’ai eu tort ; mais j’ai voulu vivre, pendant un jour, comme vit un maréchal de France. » Je n’ai point ajouté un mot, car il n’y avait rien à répliquer.

L’école avait été forcée de s’agrandir ; on l’avait transportée dans une maisonnette située à l’entrée de la ruelle qui donne accès à la cité. On était plus au large, mais la place était encore bien restreinte, car pendant une soirée de Noël, alors que l’arbre illuminé et chargé de petits cadeaux s’élevait sur la table, on était obligé de prendre les enfans et de les passer par la fenêtre, afin de laisser pénétrer les dames protestantes qui venaient voir leurs protégés. Substituée aux huttes primitives, la nouvelle école réalisait un progrès considérable ; cependant, elle était humide et trop obscure. Les inspecteurs de l’administration supérieure firent remarquer que la santé des enfans y pouvait courir quelques risques. L’avertissement fut écouté, et tout de suite on se mit en quête d’un terrain spacieux, bien aéré, ayant sa bonne part de soleil. On le découvrit à peu de distance de la cité, rue de la Providence, et l’on y bâtit un véritable groupe scolaire. Salle d’asile, école de filles, école de garçons, seule l’initiative individuelle en fit les frais, et on put les inaugurer en 1869. La guerre survint qui les vida ; puis la commune qui devait frapper l’institution naissante d’un deuil ineffaçable. Les troupes françaises, ayant franchi l’enceinte fortifiée, manœuvraient dans les hauts quartiers de Clichy, des feux de tirailleurs retentissaient de tous côtés : une balle perdue, une balle aveugle, atteignit Mme Pâris dans son appartement et la tua sur le coup. La perte fut cruelle, car cette femme de bien avait été l’âme même de l’œuvre à laquelle tout son temps, toutes ses forces étaient consacrés. Sa mémoire est restée chère aux enfans qu’elle a défrichées et aux