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à la française. » cette dernière question avait été réservée à des conférences ministérielles, bientôt réunies à Vienne, sous la direction du chancelier d’état. C’est de ces conférences qu’est sorti ce qui s’est appelé dans l’histoire « l’acte final de Vienne, » qui, sous prétexte d’interpréter, de fixer le droit fédéral, livrait les petits, les faibles aux plus puissans, et les libertés de l’Allemagne à l’autorité de la diète, placée elle-même sous l’autorité de l’Autriche. S’il y avait des résistances ou une certaine surprise de la part de quelques gouvernemens, des cours de Bavière et de Wurtemberg, le chancelier autrichien s’étudiait à dompter, à de jouer ou à voiler les dissidences pour ne laisser voir que l’unanimité des résolutions. Vienne achevait et complétait Carlsbad[1] !

La campagne avait été menée avec autant d’activité que d’artificieuse souplesse. En quelques mois, de 1819 à 1820, M. de Metternich avait accompli une révolution, et en contemplant son ouvrage, il avait certes le droit de se déclarer satisfait. « Me voilà, grâce à Dieu, écrivait-il, délivré de ma besogne, les couches se sont passées heureusement, et l’enfant va paraître à la face du monde. J’ai tout lieu d’être satisfait des résultats et je dois l’être, car ce que j’ai voulu est fait... Ce que trente années de révolution n’avaient pas produit est le résultat de nos trois semaines de travail à Carlsbad. C’est pour la première fois qu’il aura paru un ensemble de mesures aussi antirévolutionnaires, aussi correctes et péremptoires. Ce que j’ai voulu faire depuis 1813, et ce que ce terrible empereur Alexandre a toujours gâté, je l’ai fait parce qu’il n’y était pas. J’ai enfin pu suivre une fois toute ma pensée... » Tout se tenait dans cette œuvre à la fois hardie et astucieuse; un réseau de réaction enlaçait l’Allemagne de ses mailles serrées. Par la censure étendue à tous les états, l’opinion se trouvait réduite au silence. Par des mesures d’une discipline sévère et méticuleuse imposées aux universités, les propagandes révolutionnaires étaient atteintes dans leurs foyers les plus actifs. Par la commission

  1. Le fameux article 13 de l’acte fédéral du 8 juin 1815, qui avait été le point de départ du mouvement constitutionnel allemand et dont M. de Metternich s’efforçait de restreindre le sens, portait : « Il y aura des assemblées d’états dans tous les pays de la confédération. » Une autre disposition de l’article 18 disait : « La diète s’occupera, lors de sa première réunion, d’une législation uniforme sur la liberté de la presse... » D’un autre côté, l’article 2, constitutif de la fédération allemande, portait : « Le but de cette confédération est le maintien de la sûreté extérieure et intérieure de l’Allemagne, de l’indépendance et de l’inviolabilité des états confédérés... » C’est en rapprochant ou interprétant ces divers textes, et en invoquant surtout les nécessités « de sûreté intérieure » que M. de Metternich tentait son grand coup et réussissait d’ailleurs pour le moment à tout ramener bon gré mal gré aux vues de la politique restrictive.