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d’obligations solidaires l’une de l’autre et dont aucune ne pouvait être isolément répudiée. Mais quelque respectables que fussent ces engagemens, il était possible, cependant, d’en sortir avec honneur sans manquer de parole ni faire tort à personne, car après tout, en les contractant, personne, pas plus la France que ses alliés, n’avait promis autre chose que de défendre les droits de l’empereur contre ceux qui contestaient la légitimité de son élection.

L’union de Francfort n’était qu’une levée de boucliers de vassaux fidèles répondant à l’appel de leur suzerain légitime. Frédéric, lui-même, avait mis du prix à établir, dans tous ses manifestes, que, s’il entrait en armes sur le sol autrichien, ce n’était pas comme ennemi ni personnel ni déclaré de l’Autriche, mais en qualité de simple auxiliaire de l’empereur, et comme un membre loyal du corps germanique tenu de venir en aide à son chef. La gageure, j’en conviens, était assez difficile à soutenir, et personne ne la prenait tout à fait au sérieux ; mais la prétention n’en attestait que mieux le caractère qu’il voulait donner à sa prise d’armes, et c’est sur cette distinction même qu’il se fondait pour invoquer à Londres et à Pétersbourg les garanties du traité de Breslau, au moment où il en violait toutes les dispositions. On pouvait donc le prendre au mot, lui aussi bien que tous ses associés, et soutenir que, par la mort de l’empereur le litige étant clos, toutes les alliances tombaient avec l’objet même qu’elles poursuivaient. Pour se servir encore du langage technique des jurisconsultes, tous les contrats étant devenus nuls et caducs par défaut de cause, chacun pouvait se dire en droit de rentrer dans sa liberté.

Laissant même de côté ces questions de forme qui, devant les chancelleries diplomatiques comme devant les tribunaux, ont pourtant leur valeur, et en allant au fond des choses avec le coup d’œil juste de la politique, on eût aisément aperçu que la vraie difficulté pour la France n’était pas de se dégager des alliances qu’elle avait conclues, c’était, au contraire, de les maintenir et d’empêcher le lien qui les retenait de se dissoudre par une série de défections individuelles. La situation, en réalité, pesait sur tout le monde, et, le soulagement intérieur que causait aux politiques de Paris l’espoir de s’en affranchir, il n’était personne en Allemagne qui, au fond de l’âme, ne le partageât. Toute la question était de savoir qui serait le premier à confesser ce sentiment tout haut et à y donner libre cours. Il n’était pas un des confédérés de Francfort qui n’eût trouvé à l’épreuve très incommode de défendre un empereur si maladroit à se défendre lui-même, et qui, à peine sa tombe ouverte, ne fût tenté de porter ses regards du côté de l’horizon