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provoqué les plus redoutables complications, et c’est ainsi que ces agitations belges ne laissent pas d’avoir leur périlleuse signification dans le mouvement contemporain.

Aujourd’hui, l’Angleterre se prépare à célébrer avec éclat le jubilé de sa souveraine, le cinquantième anniversaire de l’avènement de la reine Victoria au trône de la Grande-Bretagne et des Indes ; elle a commencé par célébrer ces jours derniers, avec son loyalisme traditionnel, le soixante-huitième anniversaire de la naissance de la reine, qui, par la durée de son règne, est la plus ancienne tête couronnée de l’Europe. Si heureuse et si populaire que soit cette diversion royale, elle ne suffit pas cependant à voiler les mécomptes, les difficultés, les embarras au milieu desquels se débat la politique britannique. L’Angleterre, avec sa puissance qui est bien évidente, a sans doute assez de bon sens et d’esprit politique pour finir par se tirer de ses mauvaises affaires ; elle n’a pas moins, comme d’autres pays, ses embarras extérieurs ou intérieurs, et ses succès mêmes, si succès il y a, ne laissent pas d’être laborieux, peut-être assez équivoques. L’Angleterre est depuis quelques années en Égypte un peu comme chez elle. Elle n’a jamais prétendu y rester définitivement ; elle a toujours témoigné au contraire l’intention de se retirer aussitôt qu’elle le pourrait, en laissant certaines garanties de sécurité sur les bords du Nil. Le problème pour sa diplomatie a été surtout, depuis quelque temps, de concilier la sauvegarde des intérêts, des droits qu’elle a ou qu’elle croit avoir en Égypte et la réalisation de ses promesses de retraite. C’est ce problème qu’elle croit vraisemblablement avoir résolu par la convention que sir Henry Drummond Wolff vient de signer à Constantinople avec le sultan pour l’évacuation de l’Égypte. À vrai dire, l’Angleterre, en personne prudente, ne se compromet pas beaucoup. Elle multiplie les réserves, elle entend s’assurer des gages et des garanties. Elle s’oblige à quitter l’Égypte dans trois ans, — à la condition toutefois qu’aucun danger intérieur ou extérieur ne menace la vice-royauté du Nil, — et, dans tous les cas, elle prétend garder un droit de retour, de réoccupation plus ou moins indéfinie. L’Angleterre a signé sa convention avec le sultan, et il est bien clair qu’elle s’est surtout étudiée à sauvegarder ses intérêts, à obtenir la confirmation de ses droits ou plutôt de ses prétentions ; seulement elle a maintenant à faire accepter cette convention par les autres puissances, qui ont aussi leurs droits, qui sont également intéressées au règlement de la situation de l’Égypte, et c’est ici une négociation nouvelle qui commence, où l’Angleterre rencontrera vraisemblablement des contestations, des difficultés. De sorte que cette question égyptienne est finie et elle n’est pas finie ; elle ne sera dénouée à peu près que lorsque l’ordre nouveau créé sur les bords du Nil aura l’assentiment de toutes les puissances. C’est, dans tous les cas, une affaire de diplomatie, où tous les