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Cet accord n’est qu’un leurre, un trompe-l’œil ; il semble que l’on veuille faire croire que les cinq cents élus suffiront à maintenir à sa hauteur notre instruction supérieure, et à neutraliser l’atteinte profonde portée par le projet de loi. L’inégalité parait condamnable, contraire à tous les droits quand elle s’étend à cinq mille jeunes gens ; croit-on qu’elle cessera de l’être parce qu’on l’aura restreinte à cinq cents d’entre eux ? En réalité, on ne fera que rendre cette inégalité plus choquante ; car, au lieu de respecter celle qui existe forcément entre des jeunes gens illettrés et des jeunes gens instruits, on l’instituera cette fois entre des jeunes gens absolument égaux en droits, puisqu’ils possèdent les mêmes titres universitaires.

La raison ne peut rien contre la passion. Si donc j’essaie d’intervenir dans ce débat, ce n’est pas pour défendre l’institution générale du volontariat ; elle me paraît condamnée devant le parlement, ce juge suprême, au nom de ce qui est pour lui le plus puissant de tous les intérêts : l’intérêt électoral. Je ne veux envisager la question qu’au point de vue des intérêts de l’armée, qui sont les intérêts les plus chers de la France. Médecin, je veux montrer que ces intérêts exigent qu’on accorde aux étudians en médecine des facilités d’études que ne comporte pas la loi militaire ; je veux montrer surtout que cette loi, telle qu’elle est conçue, ne peut donner à l’armée active, en temps de guerre, qu’un service médical insuffisant comme qualité ; je veux montrer, enfin, qu’au lieu de créer l’homogénéité du service médical, elle crée sûrement des conflits permanens entre l’élément médical militaire et les médecins civils mobilisés, temporairement incorporés dans l’armée. J’examinerai successivement ces deux parties de la question ; voyons d’abord la première.


I

L’article 38 de la nouvelle loi militaire établit que tout Français de 20 à 30 ans fait partie de l’armée active ou de sa réserve ; de 30 à 40 ans, de l’armée territoriale ou de la réserve de cette armée ; par conséquent, à vingt-neuf ans révolus, les médecins, comme tous les citoyens français, passent de droit dans l’armée territoriale et sont incorporés dans cette seconde portion de l’armée.

Il est facile de voir que, d’après cette organisation, la mobilisation donnera au service médical de l’armée active environ dix mille médecins civils ; mais cette armée, qui livrera des batailles, qui aura des milliers de blessés à relever, à secourir, à