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s’il apportait dans son exécution autant de vigueur qu’il apporte d’intelligence dans sa conception, il produirait des œuvres supérieures. Son Soir de la vie est une composition simple et grande, excellemment appropriée, moralement et matériellement, à sa destination. C’est le dernier compartiment d’une suite de peintures qui présenteront l’histoire de l’hyménée, le dernier acte du drame humain dont les fiançailles sont le prologue, la conclusion mélancolique du livre de la vie. Sur les degrés extérieurs d’une maison rustique, au-dessus de leur village dormant dans la plaine, sont assis côte à côte un vieillard et une vieille femme, deux paysans, deux époux, usés et ridés par le labeur commun d’une existence dure et honnête. Le soleil est couché ; du ciel vague où s’allument les premières étoiles tombe sur la plaine confuse une lueur douce et grise. Tous deux, se reposant devant le seuil qu’ils vont bientôt abandonner, se pressent avec une tendre résignation l’un contre l’autre, regardant en haut avec l’espoir vague et profond des âmes simples et des consciences paisibles. Derrière eux, en haut, dans la maison éclairée, une jeune femme prépare le repas du soir et ses enfans jouent sur le perron, sans s’occuper de ces vieux qui contemplent. L’impression est nette, haute et profonde. Pour que cette mélancolique idylle d’un sentiment si juste, d’une émotion si vraie, d’une ordonnance si décorative, soit une œuvre excellente, que lui manque-t-il donc ? Une force d’exécution proportionnée à l’ampleur de la conception et à la dimension du cadre, force que M. Besnard est très capable de donner, mais qu’il semble, comme plusieurs de ses confrères, éviter de parti-pris, comme si l’unité indispensable à la composition monumentale était incompatible avec la résolution du dessin et avec la solidité des couleurs.

C’est bien là, nous le savons, un des récens paradoxes inventés par l’ignorance, la précipitation ou l’impuissance contemporaines. l’art dernier, nous avons déjà en l’occasion de combattre ces théories commodes, qui ne tendent à rien moins qu’à l’anéantissement de la peinture par l’affaiblissement volontaire et progressif des colorations et des formes. S’il nous fâche de voir un homme de la valeur de M. Besnard se perdre dans ces brouillards, il ne nous fâche pas moins de voir M. François Flameng y entrer. Ses trois compositions pour l’escalier de la Sorbonne marquent, dans la formation de son talent, un progrès marqué vers la simplicité et vers la grandeur. Le compartiment central, Abélard et son école sur la montagne Sainte-Geneviève, se présente avec un bonheur de mise en scène qui implique une intelligence très vive des ressources qu’on peut trouver dans les études archéologiques, en même temps qu’un sens très juste de la fonction du paysage dans une scène historique. Le