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réformée a donné, en 1886, la somme de 39,968 francs, inégalement répartis, puisque, si Batignolles reçoit 10,488 francs et Belleville 8,028, l’Oratoire (rue Saint-Honoré) et le Saint-Esprit (rue Roquépine) n’ont pas touché un centime. En outre, la caisse centrale verse une subvention plus ou moins importante à une quinzaine d’établissemens de bienfaisance. La comptabilité est très régulièrement tenue : tous les mois, le gérant de la maison hospitalière de la rue Clavel présente à la caisse centrale les bons de repas et de séjour qu’il a reçus : ce sont autant de billets à ordre qui sont immédiatement soldés. Les protestans indigens relèvent de la paroisse sur laquelle ils ont domicile ; à cet égard, le contrôle est très sévère : tout individu qui essaie de frauder et de recevoir de plusieurs mains est exclus de la participation aux aumônes. Lorsqu’un protestant arrive à Paris et qu’il n’a pas encore pris logis, il s’adresse à une paroisse quelconque, qui le dirige sur l’asile temporaire, où il est hospitalisé, à titre gratuit, pendant vingt-quatre heures ; passé ce temps, et s’il n’a pas trouvé condition, il est astreint au travail et, dans le cas où il répudierait la besogne, renvoyé. C’est toujours l’application du même principe : à celui qui accepte le travail, assistance suffisante ; à celui qui le refuse, rien. De cette façon, la mendicité et le parasitisme sont combattus avec persistance. On ne les détruira point, pas plus dans le monde du protestantisme qu’ailleurs, car ils sont inhérens à l’humanité, mais on les amoindrira, et ce sera un grand progrès.

Quoique l’asile temporaire et l’école industrielle soient des fondations de l’église réformée, ces deux œuvres font acte de courtoisie et ne repoussent point, de parti-pris, les dissidens de leur foi ; mais c’est là une tolérance, en quelque sorte exceptionnelle, qu’il serait bon de généraliser jusqu’à en faire un article de droit commun pour tous les protestans. Je le voudrais et je sais qu’on le désire. Les services que la maison de la rue Clavel a rendus depuis sa fondation, en donnant asile à 2,715 hommes, ont suscité quelque ambition chez ceux qui l’ont créée et qui la dirigent. Si elle pouvait s’étendre et s’ouvrir devant les différentes communions protestantes qui vivent à Paris, bien des malheureux y trouveraient bénéfice et seraient mis en bonne route. Est-ce donc là un rêve excessif, et des nuances théoriques doivent-elles empêcher d’en tenter la réalisation ? Je n’ignore pas que les dissentimens entre frères sont fréquens et parfois énergiques, surtout lorsqu’ils ne reposent que sur des points de discussion qui laissent intact le fond même des croyances ; mais je sais que Grégoire le Grand écrivait au moine Augustin catéchisant l’Angleterre : Ubi unus colitur Christis, nihil efficiet rituum varietas, — là où le Christ seul est adoré, la variété des rites n’importe pas. Si les sectes se divisent sur des minuties de doctrine et sur les détails de l’organisation intérieure,