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tout pour obtenir le bien, mais ne se dissimulant pas que la certitude de réussir peut ne pas être le prix de son abnégation. Il ne croit pas qu’il suffise à un vaurien d’être admis à l’école professionnelle pour devenir parfait. Le succès n’est le plus souvent que la récompense d’efforts continus, c’est pourquoi il ne les épargne pas. Il me produit l’effet d’un capitaine à bord d’un vaisseau en perdition et qui puise dans son énergie la volonté et le pouvoir de sauver l’équipage. De tous les enfans mal pondérés qu’on lui a confiés, fera-t-il des ouvriers droits et aptes à traverser la vie sans chute morale ? Non, certes ; un tiers au moins sera la proie du vice et, malgré plus d’une intermittence, retombera sous le coup des pénalités sans merci. Cette proportion a cela de singulier qu’elle est presque constante ; je l’ai retrouvée partout, avec une sorte de régularité fatale, au cours des études que j’ai faites sur les différentes catégories qui constituent le groupe parisien. Il semble que nul corps d’état, nulle condition, quelle qu’elle soit, n’y puisse échapper, et que c’est une sorte de tribut payé par la civilisation aux exigences du mal. Au moyen âge, on aurait pu dire : c’est la part de Satan, la dîme qu’il lève sur les âmes. Cette part, on arrivera à la diminuer, lentement, par l’action continue des œuvres préservatrices qui ont souci de l’enfonce, l’enveloppent d’une maternité prévoyante et détruisent en elle le virus vénéneux dont plus tard l’homme serait empoisonné.

Le directeur est maître en l’école pour tout ce qui touche à la discipline, à l’influence morale, à l’administration de la maison. Cependant, toutes les fois qu’il s’agit d’adopter une mesure importante, de prendre vis-à-vis d’un pupille quelque décision grave, il consulte le comité, devant lequel il est responsable, et qui représente un conseil de famille ayant charge démineurs. De cette façon, c’est l’église réformée de Paris tout entière qui, par délégation de quelques-uns de ses membres, toujours en rapport avec le directeur, veille sur l’école industrielle et fait acte de protection envers les enfans protestans insoumis : c’est la mère qui recherche ses fils ingrats, les ramène et les tient sous son aile dans l’espoir, avec la volonté de les rendre à la probité, à la rectitude, à la foi. Elle n’en abandonne aucun et s’afflige lorsque, malgré sa persistance, ceux qu’elle avait recueillis s’éloignent d’elle sans esprit de retour. Le nombre des protestans de Paris est assez restreint, et leurs lieux de secours sont assez multipliés, pour que l’on puisse espérer que nul enfant vicieux n’échappe à la bienfaisance des pasteurs qui ouvrent le bercail aux brebis égarées, et même et surtout aux brebis galeuses.

Le comité administre les finances de l’école et se montre sévère ;