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toujours été disposée à me prêter à cette union, quoique bien des circonstances aient pu m’en détourner ; mais il faut que, tout à la fois, si votre électorat en profite, l’archiduché d’Autriche y trouve sa sûreté… La seule concession qui est demandée à votre Dilection, en échange de tant d’autres qui lui sont faites, ne lui coûte rien et ne peut tourner qu’au profit de votre électorat… Quiconque parle autrement à votre Dilection obéit à un intérêt étranger et oublie celui de la Bavière et de la patrie. Il faut que toute méfiance dis paraisse, si vous voulez que votre union soit durable. » — Et elle ordonnait en même temps à Colloredo et à Bathiany d’avoir l’œil ouvert, et, au cas où ils apercevraient la moindre tentative faite pour s’écarter de la lettre des préliminaires, d’arrêter au passage les ratifications et de recommencer immédiatement les hostilités. Il restait convenu d’ailleurs que, jusqu’à l’élection impériale, les places d’Ingolstadt, de Braunau et de Schœrding continueraient à être occupées par les troupes autrichiennes[1].

Chavigny n’avait pas absolument tort quand il disait, en levant les mains au ciel avec désespoir, qu’un traité ainsi commenté ne pouvait porter d’autre nom que celui d’un véritable coupe-gorge ; mais il n’en fallait pas tant pour faire fléchir tout ce qui restait encore de courage ou de fierté dans le cœur du jeune prince. Passant d’un extrême à l’autre, comme c’est l’habitude des âmes faibles, ce fut lui qui se retourna subitement avec hauteur contre le petit nombre d’amis fidèles de la France qui avaient combattu et qui, tout bas, blâmaient encore sa défection. Il chassa de son conseil et bannit de sa présence le maréchal Torring, le principal ministre de son père et le dernier soutien de l’alliance française. — « Tenez-vous encore pour heureux, lui dit-il en le congédiant, d’en être quitte à si bon marché : pour avoir attiré tant de maux sur votre patrie, vous mériteriez la peine capitale. » — Telle était la joie causée par le retour de la paix que personne ne songea à accuser ni même à remarquer cette honteuse et cruelle défaillance. On n’était sensible qu’à la joie de voir le souverain remis, bien qu’un peu tard, à l’unisson des sentimens de son peuple. C’était ailleurs que s’adressait la malignité populaire. On jouissait de l’embarras et même des craintes de Chavigny, qui, pour retourner d’Augsbourg à Munich, fut averti de ne partir que sous bonne garde, de peur que sur la route on ne lui fit un mauvais parti[2].

Quand la Bavière applaudissait ainsi à l’humiliation de son prince, abdiquant pour jamais les prétentions séculaires de sa dynastie, on

  1. D’Arneth, t. III, p. 23-27-403.
  2. . Chavigny à d’Argenson, 24 avril 1745. (Correspondance de Bavière. — Ministère des affaires étrangères.)