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ce changement de main ne pouvait avoir d’effet qu’à la condition que le nouveau général se mit en campagne tout de suite et fit sentir à temps son action sur les points menacés. Or Conti n’obtint aucune autorisation de ce genre et dut, comme son prédécesseur, attendre, pour entrer en lice, l’époque ordinaire de la reprise des hostilités. L’instruction qui lui fut donnée, plutôt diplomatique que militaire, lui conférait seulement les pouvoirs nécessaires pour s’entendre avec les princes, qui, dégagés de l’union de Francfort, désireraient pourtant rester dans l’amitié de la France[1].

Pendant que Conti prenait ainsi lentement possession de son poste, et que Chavigny, accusé de servir trop chaudement la cause qu’il était chargé de défendre, perdait son temps à se justifier de n’être pas assez Français, Marie-Thérèse, sans consulter personne et sans un jour d’hésitation, marchait droit à l’accomplissement de ses desseins. D’une part, elle offrait encore d’envoyer à Augsbourg son ministre Colloredo pour entrer en négociation sur les bases qu’elle avait posées ; mais de l’autre, et le même jour, elle donnait ordre au comte Bathiany de faire avancer vers le centre de l’électorat le corps autrichien, qui, maître d’Amberg et de la contrée environnante, en occupait déjà la lisière. Effectivement, le 21 mars, Bathiany passait l’Inn avec 11,000 hommes de troupes, partagés en trois colonnes, et s’emparait rapidement de Landshut, de Straubing, de Landau et de Dingolfing, désarmant et emmenant prisonnières les garnisons surprises de ces cités. A Dingolfing, on n’était plus qu’à quelques lieues de Munich, et les Croates et les Pandours, se livrant au pillage et à des violences que le général autrichien ne réussissait pas à réprimer, répandaient la terreur jusqu’aux portes de la ville. Mais avant de s’avancer lui-même sur la capitale, Bathiany voulut avoir raison de Ségur et des Français qu’il commandait, et vint le chercher à Pfaffenhofen où il était campé. Ségur fit d’abord mine d’attendre l’attaque pour y faire tête ; mais reconnaissant bientôt l’infériorité de ses forces, il ne tarda pas à se mettre en retraite, et, poursuivi de poste en poste, l’épée dans les reins, il ne s’arrêta qu’au-delà de Donawerth, c’est-à-dire à l’extrême limite du territoire bavarois. Ainsi, en quinze jours, tout l’électorat était conquis[2].

On peut juger du trouble et de la stupeur que ces nouvelles désastreuses, arrivées coup sur coup et se suivant d’heure en heure, répandaient à Munich. Le danger avait bien été prévu, mais on ne s’attendait ni à une si vive attaque, ni à un succès si prompt. Il y

  1. Instruction donnée au prince de Conti, 3 avril 1745. (Correspondance d’Allemagne. — Ministère des affaires étrangères.)
  2. D’Arneth, t. III, p. 16.