Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 81.djvu/475

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aux radicaux, qui sont républicains, mais dont les opinions sont les plus propres à ruiner la république. C’est avec ce système de concessions perpétuelles et indéfinies aux passions extrêmes, aux influences de radicalisme, qu’on est arrivé depuis des années à tout livrer et à tout fausser, à laisser tout désorganiser, et l’administration protectrice de l’ordre civil, et la magistrature gardienne de la justice sociale, et les finances épuisées par les gaspillages, et l’armée maintenant menacée, et les services publics de toute sorte subordonnés aux intérêts électoraux. On a cru fonder par une solidarité mal entendue un règne de parti, on n’a réussi à créer que l’anarchie, une anarchie universelle, où l’on recueille ce qu’on a semé, où l’on retombe sous le poids des désordres administratifs et financiers accumulés, — Et où l’on croit se tirer d’affaire avec des mots ou par une crise ministérielle de plus. C’est ce qui arrive précisément dans cette querelle entre une commission parlementaire et le gouvernement, occupés depuis quelques jours à se renvoyer un budget en détresse, sans savoir à quel expédient se vouer.

De quoi s’agit-il en réalité? Le fait clair et certain, c’est que depuis longtemps, en dépit de tous les avertissemens et des conseils de la plus simple prudence, on a follement abusé des finances françaises. On a augmenté toutes les dépenses sans compter, sans rien calculer, sans ménager la fortune publique, le plus souvent pour satisfaire les faméliques clientèles de parti ou dans des intérêts de propagande électorale. Aux budgets ordinaires on a ajouté les budgets extraordinaires, et, par une combinaison bizarre, on a voulu en même temps avoir des dégrèvemens, comme si l’argent devait couler de quelque source mystérieuse. Pour suffire à tout, on a multiplié les expédiens, les subterfuges, — on a surtout emprunté en pleine paix, sans se demander si on n’allait pas épuiser capricieusement le crédit dont on pourrait avoir besoin dans un moment de crise. Voilà le fait sûr et certain ! Le résultat évidemment inévitable, c’est que le jour est venu où l’on s’est trouvé avec des dépenses démesurément accrues, une dette surchargée, des recettes diminuées par le ralentissement de la fortune nationale aussi bien que par l’affaiblissement de tous les ressorts publics, — Et la plaie béante du déficit dans le budget. Tant qu’on en était encore à jouir de la prospérité préparée par une administration plus prévoyante, ou ne se disputait pas, on rivalisait d’ardeur dépensière, on se distribuait les pensions, les chemins de fer électoraux, les écoles: tout allait pour le mieux ! Aussitôt que la disette est venue, on a commencé à se quereller, sans s’avouer que cette situation compromise était l’œuvre de tout le monde, de la majorité républicaine qui, depuis des années, a abusé des finances publiques, et des ministères qui ont laissé tout faire, qui se sont prêtés à toutes les fantaisies de prodigalité. Aujourd’hui, le mal est là criant, douloureux, et la querelle s’envenime. Comment sortir de cette crise financière qu’on a créée, où l’on