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que l’autre, puisque, indépendamment des cinq millions d’enfans qui suivent les cours des écoles primaires et des écoles maternelles, il y a 90,400 élèves dans les collèges et les lycées. C’est la population infantile de la France tout entière dont la santé et l’avenir sont en jeu.

La loi ne serait pas difficile à faire. Il ne s’agit pas de rédiger des programmes ; il suffit de poser des principes généraux. Le reste se réglera par voie d’arrêtés ministériels et sera l’affaire de l’Université. La loi scolaire pourrait, à mon avis, se borner à formuler les prescriptions que j’ai indiquées et que je vais résumer à titre de conclusion :

Fixer la durée des classes, des études, le nombre d’heures à consacrer aux devoirs de maison, aux récréations et aux différens exercices, en les rendant obligatoires;

Déterminer une limite d’âge pour l’admission dans les différentes classes des lycées et reculer celle des examens pour l’obtention des diplômes et des brevets de capacité, et surtout pour l’admission aux écoles spéciales ;

Prescrire la réduction des programmes d’examen et l’obligation d’y faire entrer les exercices physiques, en leur assignant des coefficiens suffisans pour que les candidats aient intérêt à les cultiver.

Ces principes une fois inscrits dans la loi, il faudrait bien que l’Université s’y conformât. Il y aurait sans doute, dans les premiers temps, un peu de désarroi; le niveau des études pourrait même baisser pendant les premières années, mais il se relèverait vite. L’instruction des jeunes serait moins étendue, mais plus solide, et ils rachèteraient par leur vigueur et leur santé ce qui leur manquerait du côté de l’érudition. A tout prendre, pour faire un militaire ou un marin, mieux vaut moins d’algèbre et plus de force et d’agilité. Il est préférable que nos officiers soient en état de supporter la fatigue, les longues marches et les privations, qu’ils aient une bonne vue et qu’ils puissent distinguer au loin l’escadron qui passe, le navire qui apparaît à l’horizon et la couleur de ses feux, plutôt que d’être ferrés sur le calcul différentiel et intégral. Du reste, nous n’avons plus le choix. La réforme scolaire ne peut plus être ajournée, si nous voulons que les générations de l’avenir soient à la hauteur des devoirs qui leur seront imposés. Quoi qu’il advienne, le législateur qui en prendra l’initiative et qui la fera réussir aura bien mérité de son pays.


JULES ROCHARD.