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les vaisseaux-écoles, mouillés en rade de Brest : c’est qu’il faudrait commencer par réformer le personnel de l’enseignement, et c’est une rude tâche que de refaire l’éducation de toute l’armée pédagogique.

L’Université consentira sans peine à refondre ses programmes. Le ministre en a pris l’engagement, et, d’ailleurs, c’est ce qu’elle fait tous les cinq ou six ans ; mais ces remaniemens-là se traduisent toujours, en fin de compte, par une augmentation de charges. D’ailleurs, ce n’est plus de cela qu’il s’agit. C’est une réforme fondamentale de l’éducation qui s’impose aujourd’hui, et, pour celle-là, je crains que l’Université ne soit impuissante. Si le ministre de l’instruction publique voulait la tenter, malgré tout son bon ouloir, il se heurterait à des difficultés de tout genre. Il rencontrerait, dans son administration même, cette résistance passive, cette force d’inertie que connaissent si bien ceux qui ont vécu dans les bureaux. Les ministères n’ont plus une assez longue durée pour mener à bonne fin les projets qui demandent de la persévérance et du temps. Quand il s’agit de réduire les programmes, chaque professeur prend la défense de sa spécialité ; ce sera bien autre chose lorsqu’il sera question d’une refonte totale dans le sens que j’ai indiqué. Les directeurs de l’enseignement, ceux qui voient les choses de haut, sont convaincus qu’elle est nécessaire ; mais il n’en est pas de même de leurs subordonnés hiérarchiques. Lorsqu’on parle aux proviseurs des lycées, ainsi qu’aux professeurs, des dangers que le système actuel d’enseignement fait courir à la santé des enfans, ils sourient doucement, comme des gens bien élevés qui consentent à écouter les observations qu’on leur adresse, mais qui n’admettent pas qu’on puisse leur apprendre quelque chose en matière d’éducation. Il y aura là des résistances dont il est prudent de tenir compte par avance. L’Université, du reste, n’est pas maîtresse absolue de l’enseignement. Les écoles spéciales ne sont pas dans ses attributions. Saint-Cyr et l’École polytechnique dépendent du ministère de la guerre, et l’École navale de celui de la marine. Or, quand il faut qu’une entente s’établisse entre trois départemens ministériels, lorsqu’on entre dans la voie des commissions mixtes, on n’en sort pas et on n’arrive à rien.

La réforme scolaire ne se réalisera que le jour où l’impulsion partira des pouvoirs publics. Je suis surpris que personne, dans nos assemblées, qui renferment tant de médecins et surtout tant de pères de famille, n’en ait pris l’initiative. On a bien fait une loi pour limiter le travail des enfans dans les manufactures, pourquoi n’en ferait-on pas une pour réglementer le travail intellectuel dans les écoles et les lycées? Celle-là serait d’un intérêt bien plus général