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Il n’y passe plus de frisson
Comme au temps de l’amour fragile
Où sans cesse un doute, un soupçon
Menaçaient l’idole d’argile ;

Il n’y tinte plus de sanglot
Comme sur la terre où tout passe,
Où toute beauté meurt sitôt,
Où si fuyante est toute grâce !

Ici j’exhale en notes d’or
Dont la douceur est sans mélange.
Dont plus rien n’entrave l’essor,
Un amour qui jamais ne change,

Un bonheur sans borne, éternel!
Et sous l’irrésistible empire
Du besoin d’en remplir le ciel,
Je le chante comme on respire.

Parcourant l’échelle sans fin
D’une neuve et sublime gamme,
L’hosanna d’un orgue divin
Monte en ma poitrine de femme !

Je veux t’emporter aux sommets
Où mes propres chants m’ont ravie !
Sois deux fois heureux à jamais,
La musique double la vie,

Car dans leurs mouvemens égaux
L’âme et la voix vibrent ensemble,
Les notes se font les échos
Du sentiment qui leur ressemble,

Et par son incantation
La Mélodie au cœur rappelle
La tendre ou vive passion
Dont l’accent se réveille en elle,

Ou, n’évoquant rien du passé,
Elle ouvre une immense avenue
A son grand vol jamais lassé
Dans le suprême azur sans nue!