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L’ARMÉE ROYALE EN 1789.


43 gouverneurs-généraux ;
69 lieutenans-généraux commandans en second;
439 gouverneurs particuliers ;
303 lieutenans du roi ;
121 commandans de villes, châteaux ou forts;
266 majors ou aides-majors.

Ces places, il est vrai, tenaient lieu de pensions de retraite à beaucoup d’officiers, et l’on s’est vraiment ici montré bien sévère pour nos rois en leur reprochant ces libéralités comme de purs gaspillages. « Dans un grand état comme le mien, disait Louis XVI à Saint-Germain, il faut de grandes grâces pour attacher et conserver les grands seigneurs au service[1]. » Que ces grâces fussent trop nombreuses, qu’il y eût trop de prébendes et d’abbayes pour le clergé et trop de commandemens pour la noblesse, c’est certain. Fondé sur le privilège et l’inégalité, l’ancien régime ne pouvait se passer de sinécures : reste à savoir, et ce serait un curieux parallèle à établir, si les sociétés démocratiques en ont trouvé le secret.

Où le mal était plus grave, l’abus moins excusable, c’était dans l’armée proprement dite. Trop de grades et surtout beaucoup trop de gradés, tel est le cri de tous les contemporains dans les dernières années de la monarchie, surtout de ceux qui avaient va de près les autres armées. Colonels-généraux, mestres de camp généraux, commissaires et inspecteurs-généraux, colonels propriétaires, colonels et mestres de camp en second, colonels en troisième, colonels par commission, colonels à la suite, colonels attachés à l’armée, lieutenans-colonels, majors-colonels, capitaines-colonels, sous-lieutenans et maréchaux des logis colonels, capitaines-commandans, capitaines en second, capitaines réformés, capitaines à la suite, capitaines à finance, tout ce luxe d’emplois, la plupart du temps honorifiques, de titres sans fonctions et de titulaires sans attributions, compliquait singulièrement le service, entravait l’avancement et paralysait l’administration. Comment, en effet, « se démêler[2] » dans ce désordre, et se tirer des embarras et des prétentions de toute espèce qui en étaient la suite? En temps de paix, passe encore; mais en cas de guerre ? Comment donner des lettres de service à 11 maréchaux de France, à 196 lieutenans-généraux, à 770 maréchaux de camp, à 113 brigadiers d’infanterie, à 69 brigadiers de cavalerie ou de dragons[3], et à plus de 900 colonels[4] ? Comment satisfaire un pareil état-major? Un seul moyen, encore bien insuffisant, c’était de

  1. Mémoires de Saint-Germain.
  2. Saint-Germain.
  3. État militaire de la France en 1789.
  4. Mirabeau, Système militaire de la Prusse.