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REVUE DES DEUX MONDES.

Rien n’était plus propre à relever la milice dans l’estime du pays et de l’armée. L’assimilation pourtant laissait encore bien à désirer; la guerre seule eût été capable d’opérer la fusion des deux élémens.

Les bataillons de garnison étaient destinés, en cas de guerre, à la garde des places et servaient aussi de dépôt aux régimens d’infanterie dont ils dépendaient.

Ils étaient formés à cinq compagnies, dont une de grenadiers ; la première à 110 hommes, les quatre autres à 150 hommes, ce qui mettait le bataillon à 710 hommes et 25 officiers.


IV. — LE COMMANDEMENT.

Dans la constitution de l’armée royale, le commandement avait toujours été, même à la grande époque, sous Louvois, la partie la plus défectueuse. Bien des causes y concouraient, les unes inhérentes à l’ancien régime, les autres accidentelles et qui tenaient aux hommes, à leurs faiblesses et à leurs vices.

Au nombre des premières figuraient la vénalité des grades, l’absence d’une règle d’avancement, et la multiplicité des emplois militaires.

Parmi les secondes, les plus actives étaient le favoritisme et tous les abus qui en découlaient.

Vénalité. — « L’armée, dit M. Camille Rousset[1], n’appartenait pas exclusivement au roi ou à l’état. Elle appartenait par parcelles à tous les officiers, soit qu’ils eussent été gratifiés de leurs charges, soit qu’ils les eussent acquises à beaux deniers comptans. Un régiment, une compagnie d’infanterie ou de cavalerie, étaient une propriété réelle. Toutes les fois que les besoins de l’état exigeaient une augmentation de troupes, le secrétaire d’état de la guerre délivrait au nom du roi des commissions pour lever, soit des régimens, soit des compagnies. Ces commissions une fois accordées, soit à titre onéreux, soit gratuitement, devenaient, entre les mains de ceux qui en étaient nantis, de véritables titres de propriété. Les mestres de camp ou colonels dans leurs régimens, les capitaines dans leurs compagnies, disposaient à leur gré des charges inférieures, les vendaient ou les donnaient. Ce n’est pas que le trafic des grades subalternes fût légal ; les ordonnances l’interdisaient. » Mais on fermait les yeux sur cet abus comme sur bien d’autres, et par ainsi le commandement tombait souvent entre

  1. Louvois, I. 165.