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ces confesseurs, à ce qu’il paraît, n’ont pas les mêmes règles pour les mêmes cas. Si la reine ne peut, en conscience, faire la promesse qu’on lui demande, et si sa conscience est bien dirigée, je ne vois pas comment le roi de Pologne peut, en conscience aussi, en faire la demande, s’il a, lui aussi, un bon directeur. Mais, d’après ce que je vois, la couronne impériale elle-même ne paraît pas ici suffisante pour compenser le sacrifice de trois petites couronnes ducales[1]. »

Le débat se prolongeant à Vienne, tout resta en suspens aussi à Dresde. Valori ne tarda pas à s’apercevoir qu’il ne gagnait rien à attendre, et dut reprendre, assez peu fier de son succès, le chemin de Berlin, où l’attendait Frédéric, très peu content lui-même des incertitudes prolongées du cabinet anglais. Le roi le laissa raconter sa déconvenue avec un sourire ironique sur les lèvres. Puis, quand le récit fut fini : « Je vois ce que c’est, dit-il en se levant, il veut être empereur sans que je m’en mêle ; je réponds bien que cela ne sera pas[2]. »

On voit à quel résultat aboutissait, dès le premier pas, le dessein politique auquel le cabinet français accordait étourdiment son patronage. Sa candidature préférée, n’étant prise au sérieux par personne, pas même par le principal intéressé, devenait tout simplement un instrument à double tranchant qui servait à engager deux négociations dirigées en sens contraire, mais toutes deux à l’insu et au détriment de la France. La France fournissait ainsi, à Berlin comme à Dresde, un moyen commode pour travailler contre ses intérêts en se servant et en se jouant d’elle. C’étaient les premières armes diplomatiques de d’Argenson : il y en eut rarement de plus malheureuses.


II

Aucune démarche n’étant encore publique, il était temps de revenir sur ses pas, et Valori en donnait à plusieurs reprises discrètement le conseil. Mais d’Argenson parut décidé non-seulement à ne pas le suivre, mais à ne pas même le comprendre. Persuadé qu’ayant longtemps réfléchi sur le cœur humain, il en connaissait tous les replis, il ne douta pas que derrière la réserve d’Auguste III se cachât une ambition secrète qui ne demandait qu’à être

  1. Robinson à Villiers, 20 février 1745. Lettre particulière, 21 février. (Correspondance de Vienne. — Record Office.)
  2. Valori à d’Argenson, 27 février 1745. (Correspondance de Prusse. — Ministère des affaires étrangères.)