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partis. Toute la question est de savoir si la situation est également favorable et sûre pour le ministère de M. Sagasta, qui est au pouvoir depuis la mort du roi Alphonse XII, qui a eu déjà le temps de préciser sa politique, de réaliser quelques-unes des idées libérales avec lesquelles il est arrivé au gouvernement dans une heure de crise. Le ministère espagnol, qui se résume surtout en M. Sagasta, n’a pas tant duré sans subir quelques modifications partielles; il a vécu dans tous les cas et il vit encore. Il a évidemment profité d’une certaine trêve des partis à la suite de la mort du dernier roi. Peut-être touche-t-il maintenant au moment où il va rencontrer des difficultés plus sérieuses, une opposition plus vive, des adversaires plus résolus. Il vient d’avoir, il est vrai, quelques avantages parlementaires, notamment à propos de deux questions qui ont pris une certaine importance. Il avait proposé au sénat une loi assez libérale sur les associations qu’il a eu à défendre contre les conservateurs, et il a fini par obtenir tout au moins le vote du principe de la loi. En même temps, il a réussi à faire sanctionner, par la chambre des députés, un acte par lequel il a concédé directement, sans adjudication, un service postal assez étendu, assez considérable à la compagnie des paquebots transatlantiques; la question spéciale cachait peut-être ici une question politique. Le cabinet de Madrid a obtenu ce qu’il voulait, il a eu son double succès dans des affaires qui passaient pour délicates. Ce n’est cependant pas sans peine qu’il est arrivé à rallier une majorité, et il est clair que plus il va, plus sa situation devient incertaine et embarrassée.

Le ministère espagnol a devant lui des difficultés de plus d’un genre. Il est exposé à en trouver même dans une fraction de libéraux, parmi les alliés et amis de M. de la Vega y Armijo, dont il été jusqu’ici l’appui. M. Sagasta en a fait l’autre jour l’expérience à l’occasion du débat sur les services maritimes. Le président du conseil sentait visiblement quelque résistance, et, dans un mouvement d’irritation, il a essayé de faire violence aux dissidens; il a posé avec un certain accent de défi hautain une question de cabinet. Il n’a réussi qu’à blesser ceux qu’il voulait rallier en les intimidant, et la scène eût peut-être mal fini s’il n’y avait eu bien à propos un petit congé de quelques jours, qui a permis aux conciliateurs de ménager un rapprochement et au président du conseil lui-même de désavouer ce qu’il y avait eu de provocateur dans son langage. Encore bon nombre de libéraux se sont-ils bornés à s’abstenir d’attaquer le cabinet, sans aller toutefois jusqu’à voter pour lui ; il sont restés neutres, ils n’ont pas voté. Cela pourrait bien être le commencement d’une scission embarrassante pour M. Sagasta. D’un autre côté, le ministère est exposé à avoir un jour ou l’autre contre lui l’opposition conservatrice dont M. Canovas del Castillo reste le chef éloquent et habile dans le congrès. Les conservateurs,