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colonel Changarnier pressait le déchargement des mulets de bât, une vive fusillade, appuyée de coups de canon, le rappela en hâte au seuil du vallon, attaqué par la cavalerie de l’émir, mais si bien défendu par le colonel Gentil, du 24e, que l’ennemi ne parvint pas à le forcer. A trois heures, tout était fini, et les mulets haut le pied ralliaient le bivouac sous le marabout de Sidi-Abd-el-Kader. Vers cinq heures, on aperçut les réguliers, qui, du Djebel-Mouzaïa, étaient revenus à marches forcées au Djebel-Gontas.

Autant le colonel Changarnier avait pris soin, la veille, d’éviter une rencontre, autant, allégé du convoi, il attendait, il espérait, il recherchait une affaire générale; mais il en fut pour son vain espoir. Suivi de loin par les bataillons d’Abd-el-Kader, qui longeaient prudemment le pied des montagnes, escorté de plus près par la cavalerie, très nombreuse, mais presque aussi prudente que l’infanterie, le colonel faisait des haltes fréquentes afin de donner à l’ennemi des tentations d’attaque. Une seule fois il parut mordre à l’appât ; mais la charge, rompue par un feu de deux rangs, n’arriva même pas jusqu’aux carrés hérissés de baïonnettes. La colonne revit avec plaisir, le 24 et le 25, les bons bivouacs de Souk-el-Arba et de Sidi-Ali-Tamjiret, et le 26, au pied du Nador, elle fit sa jonction avec les troupes restées sous Medéa.

Du 27 juin au 2 juillet, cavaliers et fantassins ne cessèrent pas de faire la navette de Médéa à Blida et réciproquement, pour amener de celle-ci les chargemens de munitions et de vivres destinés à celle-là. Le 2 juillet, pendant que le corps d’armée quittait définitivement le col, le 2e léger et le 24e de ligne d’un côté, les zouaves et le 17e léger de l’autre, brûlaient et détruisaient tout ce qu’ils pouvaient atteindre, moissons, gourbis, jardins, vergers, dans les montagnes des Mouzaïa et des Soumata. Le 3 juillet, au camp supérieur de Blida, La Moricière et Changarnier reçurent des mains du gouverneur leur brevet de maréchal de camp, signé à Paris le 21 juin, le même jour où, sous Blida, la confiance du maréchal Valée avait conféré au colonel du 2e léger un commandement d’officier-général. Eu quatre ans, cinq mois et vingt jours, Changarnier avait franchi, du grade de capitaine à celui de maréchal de camp, la distance que La Moricière et Duvivier avaient parcourue, celui-ci en neuf ans, celui-là en six ans et huit mois. Pour avoir été plus long que celui de leur heureux émule, l’avancement de Duvivier et de La Moricière n’en était pas moins exceptionnellement rapide.


VII.

Les troupes regagnaient leurs cantonnemens ; les grandes opérations avaient pris fin. « Le plan de campagne est exécuté, disait