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trois petites pièces d’artillerie que le feu d’une section de campagne eut bientôt fait disparaître ; à part quelques groupes de cavaliers qui se tenaient en observation sur les hauteurs, le gros de la cavalerie arabe était massé dans la vallée du Chélif.

La première brigade par les crêtes de droite, la seconde par les arêtes de gauche, avançaient lentement, réglant leur pas sur le convoi qui gravissait péniblement la pente accidentée du vallon. Quand elles arrivèrent à portée de l’ennemi, les réguliers les honorèrent d’une salve, puis firent demi-tour et se mirent en retraite par le chemin de Cherchel. Le premier soin des troupes, après leur entrée dans Miliana, fut de courir aux incendies ; l’eau ne manquant pas, elles en eurent assez facilement raison ; mais c’était une désolation que cette ville aux maisons croulantes, aux ruelles encombrées de ruines. Au dehors, dans le ravin de l’est, les ingénieurs à la solde d’Abd-el-Kader avaient commencé l’établissement d’une fonderie et d’une forge à la catalane. Pendant trois jours, le maréchal fit réparer les brèches de l’enceinte, construire en avant des jardins quelques ouvrages défensifs, et approprier pour le logement des troupes les maisons les plus habitables. Deux mosquées furent occupées. L’une par l’hôpital, l’autre par le service des vivres. Après cette installation hâtive, la garde de la place fut confiée au lieutenant-colonel d’Illens, du 3e léger, avec un bataillon de son régiment, un bataillon de la légion étrangère et deux détachemens du génie et de l’artillerie; l’effectif de la garnison était de 1,236 hommes.

Le 12 juin, le corps d’armée quitta Miliana; comme d’habitude, il fut sérieusement inquiété au départ. Les réguliers avaient reparu; il y en avait trois bataillons et beaucoup de Kabyles; l’infanterie des colonels Changarnier et Bedeau repoussa leurs attaques, et lorsque la colonne eut débouché dans la vallée du Chélif, la cavalerie ne s’épargna pas. Deux belles charges furent poussées par le commandant Bouscaren, à la tête des gendarmes maures, et par le commandant Morris, à la tête des chasseurs d’Afrique. La perte de cette journée fut de quatorze morte et de cent dix blessés. Le soir, le bivouac fut établi sur les deux bords du Chélif, au gué de Souk-el-Arba. Selon les ordres du maréchal, l’arrière-garde avait brûlé tous les gourbis, toutes les moissons sur son passage. Constamment observé, mais à distance, par la cavalerie arabe, le corps d’armée traversa, le 13, la plaine des Djendel et les ravins des Ouamri, passa, dans la matinée du 14, en vue de Médéa, et bivouaqua, l’après-midi, au bois des Oliviers. On apercevait au loin, de l’autre côté du Bou-Roumi, la cavalerie d’Abd-el-Kader; mais son infanterie, qu’était-elle devenue? N’avait-elle pas occupé le col ? Si elle n’y était pas, il importait de l’y prévenir, ou, si elle y était, de l’y surprendre.