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colonel Changarnier prit la direction du col; à mi-chemin, La Moricière le rejoignit, et tous deux s’arrêtèrent pour attendre le général Duvivier, qui, retardé par l’âpreté du terrain, avait laissé jusqu’alors ses deux lieutenans mener l’action d’eux-mêmes. La jonction s’était faite dans un site ravissant, au bord d’un petit lac aux eaux limpides, encadré par des bouquets de chênes d’une rare beauté. Au-delà, la prévoyance des ingénieurs, déserteurs ou autres, qui s’étaient mis au service d’Abd-el-Kader, avait coupé par une redoute l’arête qui mettait en communication le pic de Djebel-Enfous avec le col. Deux compagnies de réguliers l’occupaient encore. Carabiniers du 2e léger, zouaves, tirailleurs de Vincennes, s’y élancèrent à l’envi et l’emportèrent en commun. Vif et court, ce combat fut le dernier. Les deux premières colonnes réunies descendirent au col que la troisième atteignit dans le même temps, sous le feu d’un demi-bataillon d’askers qui fit sa retraite, après avoir fourni régulièrement la salve. Dans le lointain, au pied des pentes que les colonnes triomphantes venaient de gravir, on entendait encore quelques détonations ; c’était la fin d’un combat que la deuxième division avait soutenu contre une partie de la cavalerie de Sidi-Mbarek et quelques centaines de Kabyles.

Le succès était grand, car Abd-el-Kader avait rassemblé pour la défense du Ténia toutes ses forces ; mais quand il avait vu le progrès du 2e léger sur sa droite, il n’avait pas voulu, en homme habile, s’entêter au combat, et, sauf pour les corps destinés à faire l’arrière-garde, il avait de bonne heure donné les ordres de retraite. En fait, il était battu, mais non hors de combat, et ses pertes étaient relativement peu importantes. Celles de son adversaire dépassaient trois cents hommes ; elles portaient, pour les deux tiers, sur le 2e léger, qui comptait quarante-deux morts, dont trois officiers, et cent quarante-cinq blessés ; après lui venait le 24e, avec une perte d’une quarantaine d’hommes ; la deuxième et la troisième colonne, moins longtemps et moins sérieusement engagées, avaient beaucoup moins souffert.

Dans la journée du 13 mai, les blessés furent évacués sur Haouch-Mouzaïa; parmi eux, on comptait les généraux de Rumigny et Marbot, et le commandant Grobon, des tirailleurs de Vincennes. L’escorte qui les conduisit ramena, le lendemain, avec le concours de la cavalerie, l’énorme convoi parqué, depuis le 11, dans la redoute. Le 16, l’armée descendit à Médéa; le lieutenant-colonel Drolenvaux gardait, avec deux bataillons, le col où le maréchal avait fait faire quelques travaux défensifs, La marche fut peu inquiétée; cependant, avant d’arriver au bivouac, l’avant-garde eut à débusquer des vieux oliviers de Zeboudj-Azara un bataillon d’askers qui, sans s’éloigner beaucoup, alla s’établir, de l’autre côté du ravin, en face