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ma liberté, je ne puis qu’être touché d’une sollicitude qui me prouve que mes efforts pour me tenir à hauteur de ma position n’ont pas été complètement perdus ; mais ni les motifs qu’on allègue, ni aucune considération d’intérêt, ni aucun calcul d’avenir ne pourront me retenir ici lorsque, dans mes inflexibles idées de point d’honneur, je crois avoir un devoir à remplir. Le cri de ma conscience me conduira en Afrique; Dieu réglera l’avenir. »


II.

En attendant l’arrivée des renforts demandés et promis, le maréchal Valée ne pouvait que se tenir sur ses gardes. Des trop nombreux camps retranchés qui avaient été complètement inutiles, ceux qui restaient occupés étaient plutôt un embarras qu’autre chose; car, bloqués comme ils étaient, il fallait, pour les ravitailler seulement, livrer presque tous les jours de petits combats où l’on perdait du monde sans avancer en rien les affaires. Le 30 novembre, le maréchal avait envoyé à Boufarik le colonel Changarnier avec deux bataillons de son régiment, 250 chasseurs d’Afrique et deux pièces de campagne commandées par le capitaine Bosquet ; le troisième bataillon du 2e léger était au camp de l’Arba. Les zouaves du colonel de La Moricière continuaient d’occuper le camp de Koléa. La Moricière et Changarnier relevaient du général de Rostolan, qui se tenait en arrière, à Douera, avec 1,500 ou 1,600 hommes. Les ménagemens qui, l’année précédente, avaient fait différer l’occupation effective de Blida, n’étaient plus de saison. Duvivier, récemment promu maréchal de camp, y avait établi son quartier-général et commandait à la fois la ville et le camp supérieur. Le général de Rostolan et lui avaient pour chef direct le général Rullière; enfin, les garnisons de Kara-Moustafa et du Fondouk recevaient les ordres du général de Dampierre.

Situé à distance à peu près égale de ces divers postes retranchés, Boufarik avait une grande importance stratégique. C’était de ce point central que devait rayonner la colonne dont le commandement mit tout de suite en vedette le colonel Changarnier, son chef. Attentif à tout ce qui se passait aux alentours et très alerte, il était résolu à ne laisser jamais sans réponse les provocations de l’ennemi. Le 3 décembre, le khalifa de Miliana, Mohammed-ben-Allal-ben-Sidi-Mbarek, plus brièvement connu sous le nom de Ben-Allal ou de Sidi-Mbarek, le plus habile et le plus vaillant des lieutenans d’Abd-el-Kader, était descendu en plaine avec trois ou quatre raille chevaux, et, s’approchant de Beni-Mered, manœuvrait de façon à envelopper le troupeau de l’administration ; les deux bataillons du 2e léger, de front, en colonne double à distance de peloton, l’artillerie