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REVUE. — CHRONIQUE.

menacer le maintien de la paix; à l’intérieur, les préoccupations budgétaires étaient toujours à l’état aigu, mais un vote important venait de remettre le cabinet en selle au moins pour quelques semaines. On allait entrer dans les vacances de Pâques, un calme général s’établissait dans la politique et dans les affaires.

Cependant une ombre persistait au milieu de ce riant tableau, l’extrême insignifiance des transactions dont s’alimentait l’apparente activité du marché. On avait le sentiment que la hausse était l’œuvre de quelques mains et manquait de bases solides. L’argent était abondant et les reports ne s’étaient que très peu élevés au-dessus des taux du mois précédent. Mais le comptant ne semblait avoir pris qu’une part assez faible au mouvement. De plus, on savait que le gouvernement venait de négocier des bons du trésor pour une somme fort respectable, 150 millions, disait-on ; certains établissemens, pour prendre ces bons, avaient dû vendre des rentes, et l’on annonçait, comme conséquence, des livraisons de titres.

Aussi bien l’avance rapide obtenue le premier jour de la liquidation a-t-elle marqué, momentanément, le terme des succès de la spéculation haussière. Dès le lendemain, une réaction très vive s’est produite: le 3 pour 100 a reculé de 81.35 à 80.72, l’amortissable de 84.50 à 84.05, le 4 1/2 de 109.70 à 109.40, et les cours de compensation des valeurs ont été très sensiblement inférieurs aux prix cotés les jours précédens. Du 1er au 2 avril, le Crédit foncier baissait de 1,380 à 1,365, la Banque de Paris de 732 à 715, le Crédit lyonnais de 560 à 545, le Suez de 2,065 à 2,030, l’Italien de 98.50 à 97.50, les Chemins méridionaux de 780 à 765, le Hongrois de 81 3/4 à 80 1/2, l’Extérieure de 65 9/16 à 64 7/16, la Banque ottomane de 507 à 500, l’Unifiée de 382 à 375. Ainsi les principaux fonds étrangers perdaient une unité, et les valeurs étaient offertes sur toute la ligne.

Il ne s’était cependant absolument rien passé qui pût justifier ce revirement soudain. L’abondance des capitaux n’avait point disparu pour faire place à un resserrement inattendu. Rien ne dénonçait que les engagemens à la hausse fussent excessifs. On ne pouvait s’en prendre qu’à l’étroitesse extrême du terrain sur lequel manœuvrait la spéculation, au peu de sérieux du mouvement précédent de hausse en tant que participation des capitaux de placement, et aussi, paraît-il, à l’impression produite par l’annonce de l’expulsion de M. Antoine, député de Metz, et par deux articles désagréables pour la France, l’un de la Post, l’autre de la Gazette de l’Allemagne du Nord.

La spéculation s’est tenue pendant quelques jours sur une très grande réserve, et l’épargne n’a pas témoigné plus d’entrain. Pendant cette période qui précédait les fêtes de Pâques, le 3 0/0 a oscillé, sans affaires, de 80.55 à 80.75, les deux autres fonds adoptant la même allure. On s’inquiétait des tendances présumées de la nouvelle