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ÉTUDES SUR L’HISTOIRE D’ALLEMAGNE.


des compromis singuliers avec le paganisme, un abandon qui pouvait devenir funeste à la foi et des personnages égarés dans des bizarreries dangereuses ; mais on ne peut regarder sans quelque émotion les traits, même enlaidis par le peintre, d’une église chrétienne populaire, ce clergé vivant de la vie de famille et acceptant son service dans l’état, ces évêques qui entrent dans la maison du pauvre, se font suivre par la foule, prêchent et prient en plein air, combattent la superstition des lieux consacrés et du pèlerinage à Rome, rejettent la confession auriculaire, et prétendent réconcilier dans l’amour du Christ l’humanité tout entière, celle qui est morte avant la naissance du Sauveur et celle qui est née après sa mort. Boniface est sans pitié pour ces fantaisies. Il s’acharne contre les hérétiques jusqu’à ce qu’ils soient jetés en prison, et il poursuit avec ténacité la réforme de l’église des Gaules. Dans cinq conciles, il rétablit les règles canoniques depuis longtemps oubliées. Défense aux clercs d’avoir d’autres vêtemens que les casulœ, insigne des serviteurs de Dieu ; d’aller à l’ennemi, à moins qu’ils ne soient choisis pour célébrer l’office divin en campagne et porter les reliques dans les batailles ; interdiction du mariage : voilà pour distinguer par le vêtement, par le célibat, par toute la façon de vivre, les clercs des laïques. Voici pour mettre l’ordre dans le corps ecclésiastique : chaque prêtre résidera dans sa paroisse et sera soumis à son évêque, auquel il rendra compte de son ministère à termes réguliers ; l’évêque visitera ses prêtres et fera la tournée pastorale de la confirmation : les prêtres et évêques inconnus ne seront plus admis à exercer le ministère sacré qu’après avoir été examinés en concile. Il sera tenu un concile chaque année. Pour achever l’œuvre, Boniface aurait voulu grouper les évêchés en provinces ecclésiastiques, gouvernées par un archevêque métropolitain, qui, recevant des mains du pape le pallium, insigne de sa dignité, aurait étroitement rattaché toutes les églises au chef de l’église universelle. Il n’y a point réussi, mais du moins il a préparé l’église franque à reprendre cette institution oubliée : il en dit l’importance dans une lettre à l’archevêque de Cantorbéry, où il expose l’histoire de la réforme accomplie par lui dans le pays des Francs. « Nous avons décrété et confessé notre volonté de garder jusqu’à la fin de nos jours la foi et l’unité catholique, de demeurer soumis à l’église romaine, de nous réunir en concile chaque année, de demander au siège de saint Pierre le pallium pour les métropolitains, de suivre en toutes choses, conformément aux canons, les préceptes de saint Pierre, afin d’être comptés au nombre des brebis qui lui sont confiées. » Puis, insistant sur l’office du métropolitain : « Il lui appartient, dit-il, d’examiner les mœurs de son clergé ; de convoquer en concile les évêques de sa province, et de faire