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calculs. Il a quelquefois l’air de vouloir, et il ne sait pas bien lui-même ce qu’il veut, ou il s’épuise dans d’incessantes contradictions. Que veut-il sur l’organisation municipale de Paris? On a cru par instans le savoir, et on ne le savait pas, on le sait moins que jamais. M. le président du conseil a présenté un projet de loi municipale parisienne qui est un mélange de concessions vraisemblablement dangereuses et de réserves plus sûrement encore inefficaces. On l’examinera quand on pourra, si on l’examine; mais, pendant ce temps, pas plus tard que ces jours derniers, la chambre a discuté deux propositions qu’on pourrait appeler épisodiques, l’une établissant le scrutin de liste par arrondissement, l’autre séparant le conseil municipal du conseil général de la Seine, — Et le chef du cabinet, ministre de l’intérieur, a laissé passer et voter tout ce qu’on a voulu.

Ce qu’il y a de singulier, c’est que M. le président du conseil a plaidé lui-même pour le scrutin de liste, sous prétexte qu’il rendrait aux élections de Paris leur caractère municipal ! c’est exactement le contraire de ce qui a été toujours dit: on n’a cessé de soutenir que le scrutin de liste était un mode de vote essentiellement politique, que le scrutin uninominal avait un caractère trop local, trop personnel, — Et la vérité est qu’on n’a vu dans le scrutin de liste qu’un moyen d’en finir avec la petite minorité conservatrice qui est à l’Hôtel de Ville. Ce qu’il y a de plus étrange encore, c’est que M. le président du conseil, qui se prononçait, il n’y a pas si longtemps, avec une certaine vivacité contre la mairie centrale, contre la disjonction du conseil général et du conseil municipal, n’a trouvé rien à dire sur la seconde proposition, qui a été bel et bien votée. Et cependant il est parfaitement évident que, si la loi n’était pas arrêtée en chemin, elle conduirait tout droit à la mairie centrale, M. le préfet de la Seine ne pourrait plus être maire de la ville de Paris, et, de plus, le département de la Seine rentrant dans le droit commun, le conseil général aurait le droit d’avoir sa commission permanente auprès du préfet, chef de l’administration. Après cela, on saurait ce que devient, dans un moment de crise, le gouvernement de la France placé sous une si bonne garde. Est-ce là ce que veut M. le président du conseil? A-t-il cru, une fois de plus, habile et inoffensif de laisser une apparence ou un commencement de satisfaction aux radicaux pour avoir leur vote? Chose bizarre! D’un côté, M. le président du conseil frappe la municipalité de Marseille, qui a cru pouvoir se permettre de célébrer à sa manière l’anniversaire de la commune; d’un autre côté, il a des ménagemens infinis pour le conseil municipal de Paris, qui ne se fait faute de manifestations révolutionnaires et d’illégalités, qui ne cache pas son ambition de rester le seul maître de la capitale de la France. Voilà ce qu’on appelle les réformes et les réformateurs !

Au fond, sait-on ce qu’il y a dans tout cela, dans ces prétendues réformes, dans toute cette agitation qui prend le nom de politique