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italien et en français une curieuse histoire du conclave où fut élu Léon XIII, et qui fait peu de compte des commérages des conclavistes, a-t-il puisé à de meilleures sources. Il a interrogé des cardinaux, des prélats, des ministres du royaume d’Italie, des diplomates étrangers; il a compulsé des journaux intimes, des notes écrites : « Il nous a paru utile de narrer la chronique de ce conclave si mémorable, et plus encore de la raconter sur la foi de ceux qui y participèrent et dont la plupart sont encore de ce monde, ainsi que le pontife qui en sortit élu. De cette manière, ces mémoires seront soumis à la critique de nombreux témoins[1]. » On assure que son livre est sorti victorieux de cette épreuve, que le pape Léon XIII lui-même, un peu surpris d’une publication qui lui semblait médiocrement opportune, n’a pas laissé de rendre justice à l’exactitude du chroniqueur aussi bien qu’à ses intentions, pures de tout venin.

Ce fut Alexandre III qui régla les droits électoraux du sacré-collège. Ce propugnateur de, la liberté italienne, à qui Frédéric Barberousse opposa: trois antipapes, fit confirmer par le concile tenu à Latran, en 1179, un décret portant que la nomination du souverain-pontife appartenait aux seuls cardinaux, et qu’un pape ne serait considéré comme régulièrement élu que s’il obtenait les deux tiers des suffrages. Un siècle plus tard, Grégoire X fixait la procédure et le cérémonial à suivre dans les élections pontificales. Il fut décidé que, pour permettre aux cardinaux étrangers d’arriver en temps utile, dix jours s’écouleraient entre la mort d’un pape et l’ouverture du conclave. On adopta la règle d’enfermer, de séquestrer, de cloîtrer les électeurs de l’église pour les soustraire à toutes les influences. Ils ne devaient être accompagnés que d’un seul serviteur; ils ne pouvaient en avoir deux que par autorisation spéciale. Ils étaient tenus d’habiter une salle commune, « sans aucune séparation de cloison ou de tenture, et si bien fermée de tous les côtés que nul n’y pût entrer ou n’en pût sortir. » Si le pape n’était pas élu en trois jours, on les mettait au régime ; ils n’avaient qu’un plat à leur dîner, un plat à leur souper, et on les menaçait de les réduire au pain et au vin[2].

Il faut se conformer aux temps; quelques adoucissemens ont été apportés à la règle. On n’impose plus aux cardinaux la vie commune, chacun a sa cellule, et les cellules ne sont plus des réduits. Depuis 1823, les élections s’étaient faites au quirinal, où il était facile de se caser commodément. Le Quirinal n’appartient plus au pape, et Pie IX étant mort au Vatican, ce fut au Vatican que se tint le conclave de

  1. La Conclave de Léon XII f, par Raphaël de Cesare (Simmaco), avec quatre portraits et documens. Paris; Calmann Lévy. Rome; Loreto Pasqualucci 1887.
  2. De la constitution des conclaves pontificaux, par M. Cartwright Paris: librairie Fischbacher, 1877.