beaux vers de la Légende des siècles, sur la différence entre le regard du vieillard et celui du jeune homme :
Le vieillard qui remonte à la source première
Entre aux jours éternels et sort des jours changeans,
Et l’on voit de la flamme aux jeux des jeunes gens.
Mais dans l’œil du vieillard on voit de la lumière.
L’âge seul ou les années ne produisent pas ces changemens. Il
suffit parfois d’une brusque secousse qui réveille l’âme, d’une douleur inattendue qui la purifie, pour que l’être entier semble avoir
subi une sorte de transformation. Ce sont là des faits d’observation
constante, et ces faits n’échappent pas à ceux-là mêmes parmi les
écrivains qui sont les moins coutumiers, par procédé littéraire,
d’exagérer l’influence de l’âme sur le corps. Je n’en veux pour
preuve que ces lignes délicates d’une œuvre toute récente, où l’un de
nos romanciers les plus en vogue met en scène la dernière entrevue d’une femme rappelée au sentiment du devoir par l’épreuve
d’une maternité douloureuse et de l’homme qui l’a trahie après l’avoir
séduite: «Christiane était fort pâle, maigre, mais plus jolie qu’avant
son accouchement. Ses yeux surtout avaient pris une profondeur d’expression que Paul ne leur connaissait pas. Ils semblaient assombris,
d’un bleu moins clair, moins transparent, plus intense. » Cette prétention d’invoquer, dans une question de cette nature, le témoignage
d’un poète et celui d’un romancier ferait assurément sourire les physiologistes et même les philosophes, s’ils daignaient me lire. Mais
je ne suis pas persuadé que la science expérimentale ait raison de
dédaigner aussi complètement le témoignage de l’observation vulgaire qui affirme l’action réciproque du corps sur l’âme et de
l’âme sur le corps. La doctrine chrétienne a peut-être compris,
mieux que la philosophie spiritualiste, la complexité de l’homme,
et pénétré plus avant dans les profondeurs de sa nature, lorsqu’elle a complété le dogme de l’immortalité de l’âme par celui de
la résurrection des corps, en les associant par-delà le terme de ce
monde passager au mystère des mêmes destinées. Mais pour ramener le problème aux termes qui ont été le point de départ de cette
digression, c’est pour une école d’aussi fraîche date que celle de
l’anthropologie criminelle une témérité singulière de prétendre à
renverser, au nom d’un certain nombre d’observations restreintes
et contradictoires, le principe de la responsabilité morale, et à édifier, sur la base de la criminalité fatale, toute une nouvelle théorie de la répression. Or, ce n’est à rien moins que vont les conclusions de Lombroso et de ses disciples : Ferri dans ses Nuovi orizonti di Diritto penule, et Garofalo dans sa Criminologia.