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nombre des assassinats paraît s’accroître de nouveau. La statistique judiciaire de 1884 en signale 234. Donc, de ce chef, aucune diminution de la criminalité, mais plutôt une certaine augmentation.

La même observation doit s’appliquer aux meurtres, malgré que le nombre moyen annuel des meurtres ait été de 229 pendant la première période quinquennale de la statistique judiciaire et de 143 pendant la dernière. Il faut ajouter, en effet, à ces 143 meurtres les 103 accusations de coups et blessures ayant occasionné la mort sans intention de la donner, accusations qui, avant les modifications apportées au code pénal en 1832, se confondaient avec celle de meurtre. Cela fait un total de 246. Ici encore, il y a augmentation, et augmentation qui paraît s’accentuer, car la statistique judiciaire de 1884 relève 312 accusations de meurtres ou de coups et blessures ayant occasionné la mort. Si maintenant l’on compare ensemble le nombre moyen annuel de ces trois chefs d’accusation réunis, et si on y ajoute les crimes de parricide et d’empoisonnement pendant la première et la dernière période de la statistique judiciaire, on arrive à 464 d’une part, 467 de l’autre. Mais si l’on pousse jusqu’en 1884, on trouve le chiffre de 561, soit une augmentation de plus de 20 pour 100 dans les crimes ayant occasionné la mort d’adultes.

En faut-il conclure que notre nation devient plus sanguinaire? Cela serait peut-être aller un peu vite en besogne. Il faut tenir compte de ce fait que l’augmentation la plus sensible porte sur les meurtres ou sur les coups et blessures ayant occasionné la mort. Or, parmi ces accusés, figurent un grand nombre d’Italiens, plus prompts que les Français à jouer du couteau ; et leur présence en grand nombre dans certains départemens, comme ceux des Alpes-Maritimes et des Bouches-du-Rhône, a même eu pour résultat de faire hausser le rang de ces départemens sur la liste de classement d’après la criminalité[1]. Mais cette explication n’est pas suffisante, et l’on ne saurait méconnaître que la tendance croissante à se faire justice à soi-même et l’usage de plus en plus fréquent du revolver mis au service des vengeances maritales ou féminines, usage encouragé par l’indulgence malsaine du jury et de l’opinion publique, entrent certainement pour beaucoup dans cette augmentation de la criminalité violente, si rapide depuis quatre ans.

Passons maintenant aux infanticides. Ici l’augmentation est patente.

  1. Il est regrettable que la statistique criminelle ne donne aucune indication sur la nationalité des accusés. Ces indications fourniraient d’utiles renseignemens sur le contingent apporté à la criminalité par l’immigration étrangère. D’après le dernier volume de la statistique pénitentiaire, le nombre des étrangers détenus dans les maisons centrales était de 1,431 en 1882 contre 1,246 l’année précédente, 374 détenus étaient Italiens, 202 Belges et 168 Allemands.