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médecins, car les officiers de santé, trop peu nombreux, succombent eux-mêmes, victimes de fatigues au-dessus de leurs forces. Dans ces affreux charniers, les malades sont livrés à de soi-disant infirmiers qui, voilant sous une hypocrite apparence de philanthropie leur refus de combattre et de travailler, exploitent et dépouillent ceux qu’ils devraient assister et soulager. » L’indignation du duc d’Orléans ne fut pas stérile ; de son voyage ont daté de grandes et salutaires réformes dans les services du casernement et des hôpitaux. Le 12 octobre, il vit enfin Constantine, qui, depuis si longtemps, remplissait son imagination de rêves et de regrets. Pour don de joyeuse entrée, il accorda aux indigènes la vie de cinq des leurs, condamnés pour connivence avec l’ancien bey Ahmed. De même qu’à Philippeville, son passage fut marqué par des améliorations importantes au profit du bien-être et de la santé des troupes.

Le 16, le duc d’Orléans et le gouverneur partirent pour Mila. Le bruit général était qu’ils allaient forcer entre Sétif et Bougie le passage des montagnes kabyles ; et, de fait, le lieutenant-colonel Bedeau, commandant de Bougie, venait de recevoir d’Alger en renfort un bataillon du 62e. À Mila, 5,300 hommes de toutes armes étaient réunis ; le maréchal Valée en forma deux divisions : la première, sous les ordres du duc d’Orléans, comprenait trois bataillons du 2e léger et deux du 23e de ligne, faisant ensemble 2,500 baïonnettes, 360 chasseurs d’Afrique et spahis, une compagnie de sapeurs et quatre obusiers de montagne ; la seconde, commandée par le général Galbois, de force un peu moindre, se composait du 17e léger, d’un bataillon du 22e de ligne, du bataillon d’Afrique, des tirailleurs de Constantine, de 350 chasseurs et spahis, d’une compagnie de sapeurs et de deux obusiers de montagne. Un troupeau conduit par des nègres, un convoi de 900 mulets chargés de vivres pour dix jours, étaient encadrés entre les colonnes. Le 18, l’expédition se mit en marche à travers le Ferdjioua ; le prince reçut en passant les chevaux d’hommage que vint lui offrir le caïd Bou-Akkas. Arrivées à Sétif, le 21, les deux divisions y furent retenues par une pluie torrentielle jusqu’au 25. Ce temps d’arrêt fut employé par le gouverneur à préparer l’occupation définitive de ce poste, qui était un point stratégique de la première importance, et à donner des audiences aux nombreux cheiks du pays kabyle accourus de toutes parts pour surveiller cette menace d’invasion, la détourner, s’il était possible, ou sinon, la combattre. L’un d’eux, en se retirant, tua d’un coup de pistolet un caporal du 2e léger à moins de cent pas des avant-postes.

Le 25, l’expédition vint camper sur l’Oued-bou-Selam, près d’Aïn-Turco ; le lendemain, au moment où l’avant-garde allait s’engager