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conquête, et nous avons hissé de côté l’argumentation de 1830. Vous nous placeriez à notre tour dans une position difficile, si un acte quelconque venait révéler le projet de ne plus donner à votre conquête les limites de l’ancienne régence d’Alger. »

L’année suivante, après la prise de Constantine, l’attitude et le langage du principal secrétaire d’état pour les affaires étrangères étaient ou paraissaient être encore très corrects ; en parlant, le 22 novembre 1837, au général Sébastiani des interpellations que lui faisaient prévoir les articles très vifs du Times, lord Palmerston ajoutait : « Vous aurez dans cette affaire la preuve de notre bonne foi. Je vous déclare que toutes les dispositions que le gouvernement français fera du territoire de l’ancienne régence d’Alger, que toutes les mesures qu’il prendra dans les limites de ce territoire sont acceptées d’avance par le gouvernement britannique, à cette seule condition que les territoires de Tunis et de Maroc et l’indépendance de leurs gouvernemens demeureront intacts et ne donneront lieu à aucune entreprise de votre part; car, dans ce cas, la question changerait de face et donnerait certainement lieu à de graves dissentimens. Par exemple, si vous remettiez au bey de Tunis la possession ou la garde de Constantine, à la charge de vous payer un tribut, nous nous y opposerions, parce que la condition de tributaire, même pour la plus faible somme, nous paraîtrait, de la part du bey de Tunis, une dérogation à l’état d’indépendance que nous voulons qu’il conserve : mais que vous remettiez Constantine à Achmet sous telles conditions qu’il vous plaira, que vous appeliez un autre chef indigène pour y commander en votre nom, ce chef fût-il même un parent du bey de Tunis, tout cela, je vous le répète, est accepté d’avance, et vous n’avez à craindre de nous aucune objection, aucun empêchement ni direct ni indirect. » Sur quoi le comte Molé répondait au général Sébastiani, le 7 décembre : «Pendant que lord Palmerston vous parlait en termes si mesurés et si convenables des dispositions du cabinet de Londres par rapport à la conquête de Constantine, M. de Metternich affirmait à M. de Saint-Aulaire, comme en ayant la complète certitude, que la conservation de cette place amènerait entre l’Angleterre et la France une rupture absolue. »

Deux mois après, le foreign office passait, le 9 février 1838, une note officielle dont lord Granville, ambassadeur de la reine à Paris, avait ordre de laisser copie entre les mains du comte Molé. Cette note appelait l’attention du gouvernement français sur une réclamation du consul de France à Tunis, au sujet d’un territoire qui aurait fait partie autrefois de la régence d’Alger; à ce propos, la note abordait une question très grave: « La souveraineté d’Alger, y était-il dit, doit être encore considérée aujourd’hui comme appartenant à la Porte qui n’a jamais cédé à aucune autre puissance ses