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suivi des khalifas de Médéa et de Miliana, du grand cheik de la Medjana, Abd-el-Salem, et du fameux marabout Sidi-Saadi, il marcha contre ceux qu’il appelait les révoltés d’Oued-Zeïtoun. Les askers formaient quatre bataillons, qui portaient les noms de quatre grandes villes, Mascara, Médéa, Miliana, Tlemcen ; dans le dernier, l’émir avait incorporé de force trois cents des anciens Coulouglis du Méchouar, et, par un raffinement de vengeance, ce fut eux qu’il désigna pour commencer l’attaque contre les hommes de leur race. Ceux d’Oued-Zeïtoun s’étaient retirés dans la montagne ; ils se défendirent vaillamment, un contre dix, tuèrent une centaine d’hommes aux assaillans et succombèrent, l’honneur sauf. Le chef de la résistance, Birom, tout ruisselant du sang de ses blessures, son brevet de caïd attaché sur le dos, fut promené au travers d’une foule insultante ; mais sa tête ne s’inclina pas jusqu’au moment où le yatagan d’un chaouch la fit rouler aux pieds d’Abd-el-Kader.

A la nouvelle de cette agression sanglante contre des hommes que la France couvrait de sa protection et sur un territoire qu’elle regardait comme sien, le maréchal Valée écrivit à l’émir, le 7 janvier 1838, en ces termes : « Vous aurez sans doute été trompé par des hommes qui vous ont appelé sur le territoire qu’ils habitent, en disant qu’il vous appartenait, et dans le dessein de faire recommencer la guerre, parce qu’ils savent que les Français veulent exécuter tout ce qui a été écrit à la Tafna et ne souffriront pas que vous vous empariez de provinces qui ne sont pas à vous. Éloignez de vous les intrigans, lisez avec soin le traité ; son observation fidèle est le seul moyen d’empêcher la guerre de recommencer avec nous, « Afin d’appuyer sa protestation, le maréchal fit partir pour l’est de la Métidja le directeur des affaires arabes avec les gendarmes maures, les spahis irréguliers et un détachement d’infanterie. Il y avait sur le chemin d’Alger à Constantine, au débouché de la gorge d’où le Hamiz sort de la montagne, un fondouk, sorte de caravansérail ouvert aux voyageurs ; ce fut là que le capitaine Pellissier s’établit, à trois lieues du campement d’Abd-el-Kader, dont les coureurs avaient franchi l’Oued-Khadra et mis à contribution plusieurs douars de Khachna. Deux jours après, la brigade du général Bernelle arriva aufondouk; enfin le général Rullière vint prendre le commandement des troupes réunies sur ce point. Cette démonstration eut tout l’effet que voulait obtenir le maréchal ; Abd-el-Kader rappela ses coureurs et se mit en retraite sur Médéa, surveillé par la colonne française qui marchait parallèlement à lui, en longeant le pied des montagnes ; mais il ne s’éloigna pas du théâtre de sa victoire avant d’avoir fait acte d’autorité souveraine en imposant un caïd à la vallée du Sébaou. Ceux des Coulouglis d’Oued-Zeïtoun qui avaient