par Fontaine, et que nous la représentent différens passages des Pensées.
Le christianisme seul, suivant Pascal, a connu la double nature de l’homme, et en a donné l’explication. Cette explication, telle qu’on la trouve surtout chez saint Paul et saint Augustin, est que l’homme est tombé, par suite d’un coupable orgueil, d’un état de perfection originelle dans la sphère de la nature, où s’allument en lui les passions que, dans le style théologique, on comprend sous le nom de concupiscence. De là cette bassesse où subsistent des restes de grandeur.
Le mal radical est le moi ; le moi devenu à lui-même sa fin, le moi ainsi érigé en dieu. Le moi est donc haïssable.
Dans la plus haute antiquité, où fut universelle l’idée du bien commun, c’était la maxime dominante que le dévoûment, chez ceux-là du moins qui étaient l’exemple de tous. La trace de cette manière de penser subsistait dans le grand monde que traversa Pascal, et où c’était, comme on l’a vu, une opinion favorite de ceux qu’il y fréquentait le plus qu’il fallait cacher le moi. Descartes, de son côté, d’origine et de vie nobles, avait fait consister la vertu souveraine dans la générosité, disposition d’âme semblable à l’amitié, qui portait à s’inquiéter des autres plus que de soi. La religion chrétienne, toute fondée sur le sacrifice, enseignait à Pascal avec une force toute particulière la même doctrine. Aussi ce n’est pas, dit-il, assez que de cacher le moi, il le faut supprimer. La civilité le dissimule : la religion l’anéantit, en mettant à sa place ce que la théologie appelle la charité.
On a signalé dans la vie de Pascal un moment où, s’écartant de ce chemin, il n’aurait pas tenu tout le compte qu’il aurait pu d’une dette scientifique envers un devancier. Dans l’écrit qu’il publia sur l’expérience qui fut faite au Puy-de-Dôme d’après ses indications, et qui, vérifiant une conjecture de Torricelli, établit définitivement l’explication par le poids de l’air de l’ascension des liquides dans des tubes au haut desquels on a fait le vide, Pascal affirma que cette expérience était de son invention. Descartes assura qu’il lui en avait, deux ans auparavant, suggéré l’idée. Selon toute apparence, les assertions contraires des deux grands hommes furent également sincères. Informé du fait que l’eau, dans une pompe aspirante, s’élevait jusqu’à une certaine hauteur seulement, puis de cet autre fait, signalé par Torricelli, qu’un liquide plus pesant, dans des conditions analogues, atteignait un niveau moins élevé. Descartes avait conjecturé que le phénomène devait s’expliquer non par certaine horreur qu’on attribuait alors à la nature pour le vide, mais bien, soit par les propriétés du