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de montrer, en divers sujets indépendans les uns des autres, de quelle manière les explique un même principe, auquel ils se rapportent comme à un centre commun de convergence.

Cette explication fait penser à la théorie que Descartes donne de l’induction dans les Règles pour dresser l’esprit, où il oppose à la déduction qui procède, dans un genre, par une série rectiligne de développemens, l’induction ou énumération, par laquelle on recueille, en des genres séparés, des analogues dont la similitude suggère à l’intelligence la conception d’un principe commun. Elle nous fait penser également à cette théorie leibnizienne, si conforme aux idées favorites de Pascal, d’après laquelle là où il est question non de quantités, mais de qualités, ce n’est plus par analyse et par calculs de contenance que procède l’esprit, mais par des combinaisons ou synthèses, dont le fond est l’assimilation, dont la dernière raison est la convenance.

Enfin, ce centre auquel le cœur nous enseigne à tout rapporter, extrémité où tend de près ou de loin tout ce qui appartient à l’esprit de finesse, au sentiment, au jugement, qu’est-ce en soi? Une haute volonté à laquelle il est de notre destinée de nous réunir.

Présentement, nous sommes mêlés « d’esprit et de boue. » Immatérielle et, par suite, immortelle, l’âme est liée à la matière et ainsi distraite d’elle-même. « L’âme est jetée dans le corps, où elle trouve nombre, temps, dimension. Elle raisonne là-dessus et ne peut croire qu’il y ait autre chose. » L’homme occupe ainsi une place moyenne entre le néant, vers lequel l’inclinent l’étendue et le nombre, et l’existence absolue, qui est la divine, et vers laquelle il serait de son essence de se porter. Aussi notre condition en cette vie est-elle, d’une manière générale, la médiocrité. Ces deux extrémités opposées entre lesquelles nous sommes suspendus, c’en sont les images que les deux infinis de grandeur et de petitesse que Pascal a caractérisés par des traits si frappans. « Tout le monde visible n’est qu’un trait imperceptible dans l’ample sein de la nature. Nous avons beau enfler nos conceptions au-delà des espaces imaginables, nous n’enfantons que des atomes, au prix de la réalité des choses. C’est une sphère infinie dont le centre est partout, la circonférence nulle part. Qu’est-ce qu’un homme dans l’infini? Et si, d’un autre côté, nous considérons ce qui est comme au-dessous par la petitesse, il n’est pas d’objet, si menu qu’il soit, dans lequel on ne soit forcé de concevoir, en le divisant, quantité d’autres objets, et en ceux-ci quantité d’autres encore; en sorte que notre corps, qui tantôt n’était pas perceptible dans l’univers, est à présent un colosse, un monde à l’égal du néant, où l’on ne peut arriver. L’homme est ainsi un néant à l’égard de l’infini, un