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applique à des exemples tirés des mathématiques, ils n’en sont pas moins, selon lui, applicables à toute espèce de sujets. Et, en effet, un profond observateur, Flourens, a énoncé au sujet de la méthode expérimentale une pensée tout à fait semblable à la maxime générale de l’auteur de la Géométrie : « Tout l’art des expériences est de découvrir les faits simples. »

Ce sont du reste des faits, de quelque genre qu’il s’agisse, que ces natures simples auxquelles Descartes veut que conduise la méthode. La simplicité à laquelle il prescrit qu’on remonte n’est pas la simplicité apparente, soit d’élémens matériels, où le véritable principe est en quelque sorte comme en un état inférieur de dilution et de dispersion parmi la quantité, soit de notions abstraites qui sont, comme il l’a expliqué, des représentations collectives, mais la simplicité réelle d’un absolu exempt des restrictions qu’en offrent les relatifs.

On a toujours cru se rapprocher de la divinité dans des initiations à deux degrés, au premier desquels on se purifiait du mal, tandis qu’au second on parvenait au bien et y participait. On peut dire que la méthode, telle que Descartes l’a décrite, offre deux degrés analogues : qu’au premier on met à l’écart successivement les différens accessoires qui partout cachent le principe, et qu’au second on le saisit dans l’absolu qu’enveloppaient les relatifs, et qui seul en explique l’essentiel.

Maintenant, le véritable principe étant celui que tout enveloppe, puisque tout, dit Platon, dépend des plus hautes idées, puisque toutes les idées se résolvent, au bout du compte, dit Leibniz, dans les attributs de Dieu ; puisque les attributs de Dieu sont, avant tout, l’intelligence et la volonté, c’est-à-dire les puissances de l’esprit ; puisque c’est dans les choses d’ordre esthétique et moral que se montre comme à découvert ce principe universel; puisque, enfin, la seule simplicité parfaite est la sienne, il est aisé de comprendre pourquoi c’est surtout dans les choses d’ordre esthétique et moral qu’on voit, selon l’expression favorite de Pascal, d’une seule vue.

Cependant Leibniz a dit : « Les plaisirs des sens se réduisent à des plaisirs intellectuels confusément connus. La musique nous charme, quoique sa beauté ne consiste que dans les convenances des nombres et dans le compte, dont nous ne nous apercevons pas et que l’âme ne laisse pas de faire, des battemens ou vibrations des corps sonnans qui se rencontrent par certains intervalles. Les plaisirs que la vue trouve dans les proportions sont de la même nature, et ceux que causent les autres sens reviendront à quelque chose de semblable, quoique nous ne puissions pas l’expliquer si distinctement. »