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LA
PHILOSOPHIE DE PASCAL

On a cherché à prouver par des passages détachés des Pensées de Pascal, c’est-à-dire d’une apologie du christianisme qu’il a laissée à l’état d’ébauche, qu’immolant la raison à la foi, il a nié qu’aucune philosophie fût possible. Je me propose démontrer, non, comme d’autres me paraissent l’avoir fait avec succès, que Pascal n’a pas été un sceptique, mais qu’on trouve dans ses Pensées, si ce n’est un système comparable pour l’étendue et pour le détail à ceux d’un Descartes, d’un Spinoza, d’un Malebranche ou d’un Leibniz, du moins des idées qui constituent les principes d’une véritable philosophie. Je me propose de montrer également que ces idées sont avec les croyances de Pascal dans un parfait accord, et qu’on n’a pas sujet d’en être surpris, parce qu’il n’en est point de plus propres à mettre en harmonie et même à unir intimement, dans leurs parties les plus élevées, le christianisme et la philosophie.

Pour faire comprendre le point de vue où Pascal s’est placé, quelques mots d’introduction historique me semblent nécessaires.


I.

La philosophie a toujours aspiré à pénétrer tout et à tout embrasser. Au lieu de s’en tenir, comme les différentes sciences particulières, au détail de telles ou telles apparences, elle voudrait pour toutes choses aller au fond, parvenir jusque aux causes premières. Non contente des explications desquelles sont susceptibles telles ou telles manières d’être, elle cherche, pour tous les êtres, ce qui est leur être même et ce qui en rend raison.