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LA
SATIRE DE l’ESTHÉTICISME

Miss Brown, by Vernon Lee. London; Fisher Unwin.

Nous croyons savoir qu’une traduction se prépare de l’un des romans les plus curieux que l’Angleterre ait produits depuis des années : Miss Brown. Ce sera une bonne fortune pour les amateurs de nouveauté, si souvent déçus; car, il faut le reconnaître, la littérature d’imagination ne brille plus nulle part en Europe par une grande originalité. Chez nous, cette pauvreté d’invention se déguise encore sous les raffinemens bien modernes de l’analyse, quelquefois malsaine et perverse, sous des préoccupations, beaucoup trop envahissantes même, de pathologie, d’anatomie sociale, etc. De telles ressources sont refusées à nos voisins, qui gardent un respect de la morale malheureusement perdu ailleurs. Nous ne prétendons pas dire par là que l’on soit en Angleterre plus vertueux qu’en France ou qu’en tout autre pays; des procès récens ont prouvé le contraire à ceux qui auraient eu la naïveté de croire que certains vices ne fussent pas, d’un bout de l’Europe à l’autre, inséparables d’un certain degré de civilisation ; mais si le mal existe, on se rend compte du moins chez les Anglais qu’il est le mal, nul n’a envie d’en sourire, son nom est resté inséparable de celui de honte et de péché, surtout on se défendrait de l’idéaliser, de le glorifier ou même de le peindre en prose. La poésie a plus de licence sans doute; elle ne s’adresse qu’à un public relativement restreint, et la forme seule du vers ennoblit les sujets qui, autrement traités, encourraient le reproche d’immoralité ; mais, comme le fait