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été éveillée par nous sur ce point, il est impossible que nous n’ayons pas raison de leurs résistances en faisant appel au simple bon sens et à la bonne foi des négociateurs qui seront sans doute chargés de résoudre la question. En tout cas, nous ne pouvons sans danger soumettre les céréales tunisiennes à la nouvelle surtaxe que nous venons d’établir en France, et si nous tardons trop à faire ces concessions qu’on nous demande, les Français de Tunis réclameront l’annexion, qui lèverait pour eux les barrières de nos douanes, mais qui nous coûterait à nous autrement cher qu’une diminution dans nos droits d’entrée.

D’autres questions intéressantes, bien que moins urgentes, ont fait l’objet des discussions de la chambre de commerce. Elle a demandé l’adoption du système métrique, et déjà dans les pesages publics l’usage exclusif du kilogramme est obligatoire ; ne tourmentons pas les indigènes en exigeant d’eux trop de changemens à leurs habitudes en peu de temps : ils en viendront d’eux-mêmes à préférer le mètre, le gramme et le titre à leurs anciennes mesures. Quant à la piastre et à la caroube, elles céderont d’un jour à l’autre la place au franc et au centime ; déjà une partie de la monnaie tunisienne porte l’indication de sa valeur en francs ; c’est un acheminement qui permettra d’effectuer sans trouble la substitution de nos pièces à celles du bey.


III.

Au fur et à mesure que les Européens affluent dans la régence, que le commerce y devient plus actif et que la terre retrouve son ancienne valeur, les colons se sentent à l’étroit dans les villes du Nord ou du littoral et sur les territoires d’un accès facile; les bonnes places sont toutes prises ; ils pénètrent dans l’intérieur et ne craignent pas de s’établir loin de la mer et du chemin de fer ; mais ils attendent des routes, ils les réclament. Le gouvernement du protectorat n’a pas eu longtemps à se demander à quoi il emploierait ses excédens. Deux tiers des recettes sont affectés à des travaux publics.

Les routes avaient cessé d’exister depuis que les Romains ne sont plus là pour les entretenir; sous l’influence de nos consuls, les derniers beys en firent tracer quelques-unes autour de leur capitale, mais elles se transformèrent vile en fondrières, et l’habitude était, comme dans tout l’Orient, de passer à côté, dans les champs. A 3 kilomètres de Tunis, dans quelque direction que ce fut, on ne trouvait plus que des pistes. Quant aux provinces, elles étaient complètement isolées les unes des autres, et les producteurs éloignés n’avaient avec les marchés et les