Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 80.djvu/355

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’ailleurs, la commission ne s’en est pas tenue à l’acte Torrens, elle a emprunté de-ci, de-là, en certains cas à la loi belge; en d’autres, au droit romain. Ainsi, on distingue fréquemment en Tunisie la propriété du sol de celle des constructions qui le couvrent et des arbres, autrement dit de la superficie. Cette distinction est maintenue, mais réglementée. De même, le contrat spécial d’enzel (cession d’une propriété contre paiement d’une rente annuelle); les biens religieux ou habbous que nous avons respectés, cela va sans dire, sont restés inaliénables; mais, grâce à l’enzel, ils peuvent être aujourd’hui, sans que les docteurs de la loi aient élevé une protestation, cédés très régulièrement à un Européen, pourvu que celui-ci paie chaque année une somme de... à l’administration ou au bénéficiaire des habbous. Quant à la cheffa, bien connue depuis l’affaire de l’Enfida, elle existe encore, mais à peine. Les privilèges spéciaux des vendeur, prêteur, architectes, ouvriers, etc., sont supprimés ; le régime des hypothèques est constitué aussi simplement que possible : il est fondé sur ce principe que l’hypothèque ne peut être occulte ni indéterminée, qu’elle émane exclusivement de la volonté de l’homme ou d’une décision de justice.

Notons en passant que, par un décret antérieur à ceux qui viennent de régir la propriété des immeubles, le domaine public a été défini et constitué, déclaré imprescriptible et inaliénable.

En ce qui concerne le domaine de l’état, le bon sens le plus élémentaire, sans parler des expériences faites en Algérie, nous commandait d’en prendre soin comme de notre bien propre, puisque nous administrons cet état, de le placer sous notre garde. Nous en emparer serait illégal, impolitique et dangereux à tous les points de vue, mais le soustraire aux dilapidations et au désordre, le reconstituer dans son immense étendue et le faire fructifier, nous y avions tout intérêt; nous en faisions ainsi un gage solide, une assurance contre les risques de l’avenir. Malheureusement il était fort compromis : les beys, faisant bon marché d’un territoire qui ne leur rapportait plus rien, le cédaient peu à peu, sans scrupule, au premier venu; leurs générosités de prodigues placèrent l’administration du protectorat dans l’alternative de se rendre impopulaire en refusant de les imiter ou de continuer leur œuvre destructive. Elle n’hésita pas sur ce point encore à innover. Il avait été décidé à Paris, bien avant qu’il ne fût question de réunir une commission immobilière, dès les premiers temps de l’occupation militaire, qu’il fallait à tout prix sauver le domaine beylical ; et ce fut encore une déception pour les colons français, qui arrivaient croyant trouver à Tunis une annexe de l’Algérie et réclamant des concessions gratuites de terres, quand on leur répondit que l’état n’avait pas de terres à distribuer.

Le système des concessions a pour principale raison d’être la nécessité