au devoir, prêts à bien faire. Ce ne fut pas en vain qu’elle invoqua leur générosité; avec ce désintéressement si commun en France dans les carrières libérales, ils répondirent à son appel, et le conseil judiciaire de l’Œuvre des Libérées de Saint-Lazare fut constitué. Dès lors, nulle prévenue ne comparut devant la justice sans être assistée d’un avocat dévoué, comme avait dit la pauvre Madeleine, ayant eu loisir d’étudier les dossiers et pouvant plaider en connaissance de cause.
Sous la seule impulsion d’une femme intelligente et bonne, toujours en contact avec les prisonnières, n’ignorant rien de leurs misères ni de leurs fautes, l’œuvre se complétait, trouvait des ressources morales et des ressources matérielles que les gens de cœur ne lui marchandaient pas. Au mois de février 1870, des représentans de la presse, de l’administration et des principales sociétés de bienfaisance, des dames de charité furent convoqués en assemblée générale au presbytère de l’église de Saint-Eustache, dont le curé, l’abbé Simon, était un des hommes les plus populaires de Paris. Après discussion, on approuva des statuts provisoires, et l’Œuvre des Libérées de Saint-Lazare fut fondée ; d’individuelle qu’elle avait été jusqu’alors, elle devenait collective sous la direction de Pauline de Grandpré, qui en était la seule initiatrice. L’heure de cette naissance officielle était mauvaise. La guerre, l’investissement de Paris par les armées allemandes, la commune, jetèrent dans les esprits une perturbation profonde dont l’œuvre se ressentit. Les dames protectrices étaient dispersées, et la misère du temps ne permettait guère de porter secours aux libérées, qui, pendant le siège, regrettaient la prison où, du moins, elles auraient eu le pain noir en quantité suffisante. Lors de la commune, les détenues s’interposèrent ingénieusement entre les insurgés et les sœurs de Marie-Joseph ; c’est à elles que celles-ci durent de pouvoir s’évader et d’échapper aux périls qui les menaçaient. Malgré la tempête qui assaillit son berceau, l’œuvre ne devait point périr; une vitalité puissante l’animait, car elle correspondait à deux besoins impérieux : à la défense contre le vice qui est le salut de notre état social ; au dévouement qui est une nécessité pour le cœur des femmes de bien ; aussi, dès que la tranquillité fut rétablie dans la pauvre ville dont tant d’infortunes avaient suspendu l’existence, l’action fut reprise énergiquement et continuée avec une persistance qui, jusqu’à ce jour, n’a reculé devant aucun obstacle.
Pauline de Grandpré est restée jusqu’en 1883 à la tête de l’œuvre qu’elle a fondée, que seule elle pouvait concevoir, car seule elle avait plongé au fond des misères où l’on se débat à Saint-Lazare. À cette époque, elle se retira à la campagne, abandonnant la direction effective de son œuvre, qui est tombée entre bonnes mains. La présidence