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promptement dissipée ; que faire ? On n’aura même plus le grabat et le pain bis de la geôle, où du moins l’on pouvait dormir et qui calmait la faim; où se placer, où trouver la besogne qui fera vivre, nul ne veut d’une condamnée ; comment dissimuler ses antécédens, comment avouer d’où l’on sort? Questions insolubles auxquelles, le plus souvent, la récidive a répondu. C’est à ce moment qu’il faut intervenir; c’est ce qu’a fait Mlle de Grandpré, c’est ce que font les âmes généreuses auxquelles elle a ouvert la voie. Empêcher la misère d’étreindre une malheureuse qui, après tout, est quitte envers la société, puisqu’elle a expié sa faute et que la faim pousserait à de nouveaux délits ; l’aider dans la mesure du possible, lui offrir un abri transitoire, la vêtir pour qu’elle ait au moins une tenue décente et soit protégée contre le froid ; s’interposer près de la famille, dont parfois la feinte sévérité cache le désir de s’épargner quelque dépense; la rapatrier, si elle consent à retourner au pays, qu’elle a eu tort de quitter ; la défendre contre elle-même, raffermir ce qui peut rester en elle de volonté bonne, faire acte de maternité envers elle et la maintenir en ligne droite chez les patrons qui auront bien voulu l’accepter, c’est là ce que l’on cherche, ce que l’on obtient plus souvent que l’on ne pourrait croire, et c’est ce qui était contenu en germe dans l’initiative prise par Pauline de Grandpré.

Dès qu’elle eut vu la nudité et le délabrement de la pauvre femme qui avait eu la pensée de venir l’implorer, elle surveilla les détenues à la levée de l’écrou ; elle eut pitié de leur dénûment et ménagea si peu sa garde-robe qu’un jour elle s’aperçut que ses armoires étaient vides. Elle fut désespérée, mais se calma bientôt en pensant que d’autres voudraient bien faire ce qu’elle avait fait elle-même. Elle écrivit à toutes ses amies, à toutes les femmes avec lesquelles elle était en relation. Dès le lendemain, les ballots de linge et de vêtemens arrivaient chez elle et lui permettaient de vêtir les libérées les plus pauvres. Le vestiaire était créé et ne chôma plus. Je n’ignore rien de ce que l’on a dit, l’on dit et l’on dira sur les femmes parisiennes, sur leur futilité, sur leur inconsistance et leur amour du plaisir ; mais je sais que jamais on ne les invoque en vain quand il s’agit de secourir les misérables ; je sais que leur compassion est infinie et que la bonté de leur cœur luit derrière leurs défauts, comme une étoile à peine voilée par une brume transparente.

Qui dit femme, dit mère; ce serait grand’pitié de séparer une détenue de son enfant ; la préfecture de police, qui est bonne personne, malgré ses airs rébarbatifs et les calomnies dont on l’accable, ne le tolérerait pas; jusqu’à l’âge de trois ans, l’enfant est reçu en hospitalité à Saint-Lazare et vit près de sa mère, que les