devraient avoir pour effet d’enlever tout prétexte aux agitations belliqueuses. C’est ce qui semblerait évident au premier abord. Il est certain que, si M. de Bismarck était sincère comme il l’a été si souvent, s’il n’avait pas d’autres vues, d’autres desseins, d’autres arrière-pensées, on pourrait espérer voir bientôt se dissiper quelques-uns de ces gros et lourds nuages qui ont passé sur l’Europe, et rentrer par degrés dans des conditions plus calmes. C’est possible ; il n’est pas une nation qui ne désire sortir de cette atmosphère troublée.
Ce qu’il y aura eu d’étrange, ce qui restera toujours vrai, c’est que dans cette crise, dont les élections allemandes n’ont été qu’un incident ou un prétexte, le terrible chancelier de Berlin aura certainement joué un très redoutable jeu. Pendant trois mois, sans qu’on ait jamais bien su pourquoi, sans qu’il y ait eu une raison saisissable de conflit, pour un vote qui ne méritait pas sans doute de si grands efforts, il aura tenu le monde dans la fièvre et dans l’attente. Sans l’avouer ouvertement, en disant même quelquefois le contraire, il aura laissé croire que l’Allemagne avait besoin de s’armer contre une agression ou des provocations de la France, En prétendant toujours être le gardien de la paix, il aura joué avec toutes les allumettes chimiques répandues sur le continent. Il aura offert, en un mot, le spectacle du plus puissant des hommes déconcertant tous les calculs, troublant tous les intérêts, et finissant par fatiguer l’Europe du poids de sa débordante personnalité. Il n’en est peut-être pas à le sentir lui-même, à s’apercevoir qu’il a trop forcé les ressorts, et il a sûrement assez de sagacité pour comprendre que des crises de ce genre ne pourraient pas se renouveler impunément. Elles mettent toutes les politiques, tous les intérêts, tous les patriotismes, et on pourrait dire toutes les patiences, à de trop sérieuses et de trop délicates épreuves pour pouvoir se reproduire deux fois sans un péril certain et inévitable pour la paix universelle.
Que cette expérience imposée au continent ait été et puisse être encore redoutable, en effet, c’est ce qui n’est point douteux ; qu’elle finisse heureusement, sans trouble et sans conflit, c’est ce qu’on peut désirer de mieux. Elle n’aura peut-être pas été après tout absolument inutile pour la France, qui a eu là une rare et décisive occasion de s’interroger elle-même sur sa politique extérieure ou intérieure, de se demander où serait le danger, où pourrait être la force pour elle, de montrer par son esprit de conduite qu’elle est toujours faite pour garder sa place et son crédit dans le monde. Évidemment, on peut le dire sans illusion et sans vanité, un des phénomènes les plus curieux, les plus imprévus du temps, est ce contraste presque dramatique qui a éclaté en quelque sorte depuis quelques semaines entre l’Allemagne et la France. — D’un côté, il y a eu l’agitation, une agitation