Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 80.djvu/233

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

a eu visiblement à déployer toutes les ressources de la pression la plus savante, depuis l’intervention du souverain-pontife jusqu’aux excitations patriotiques, depuis les captations clandestines jusqu’à l’intimidation violente et avouée, pour échapper à une défaite. Les progressistes, qui ont particulièrement le don d’irriter M. de Bismarck, sont les principales victimes de l’action officielle et les disgraciés du dernier scrutin; ils ont été presque partout battus et reviennent singulièrement diminués au Reichstag. Le centre catholique, malgré le désavantage de paraître résister aux conseils venus de Rome, n’a essuyé que quelques pertes et forme encore un bataillon assez compact, sous le commandement de M. Windthorst. Il n’est point impossible seulement que beaucoup de ces catholiques du centre, qui viennent d’être réélus, qui ont paru d’abord récalcitrans au mot d’ordre du Vatican, ne se résignent eux-mêmes aujourd’hui à voter le septennat. Ceux qui ont eu le plus de succès sont les nationaux-libéraux, qui regagnent ce que les progressistes ont perdu, et retrouvent leur ancienne importance parlementaire. Il y a surtout dans ces élections allemandes, qui restent nécessairement encore un peu obscures, qui ne s’éclairciront définitivement qu’à la prochaine réunion du Reichstag, il y a deux faits caractéristiques qui n’entraient peut-être pas dans les prévisions de M. de Bismarck, qui ne sont pas de nature à adoucir son humeur hautaine et irascible.

Le premier, c’est l’étrange progrès que font partout les socialistes en dépit des lois répressives, des poursuites, de tous les procédés que permet à leur égard le petit état de siège. Ils n’auront pas, si l’on veut, autant de représentans dans le nouveau parlement que dans l’ancien; ils ne cessent néanmoins de gagner des partisans et de s’étendre dans le pays. A Berlin même, où les seuls députés nommés jusqu’ici sont des socialistes, ils sont arrivés à rallier près de 100,000 suffrages; dans la Saxe, leurs candidats ont réuni plus de 150,000 voix. A Munich comme à Kœnigsberg et à Hambourg, ils croissent en nombre d’élection eu élection. On a beau faire, le socialisme révolutionnaire monte en Allemagne; il sera bientôt peut-être au point où M. de Bismarck ne pourra plus se contenter de lui opposer son socialisme d’état. D’un autre côté, c’est en vain qu’on a prodigué les rigueurs, les menaces, les visites domiciliaires, les vexations de toute sorte dans l’Alsace-Lorraine : ces populations ne se sont pas laissé ébranler, elles ont choisi d’un vote spontané, silencieux, presque unanime, et avec une persévérance plus énergique peut-être que jamais, les députés qui représentaient le mieux leurs sentimens. On dira sans doute encore que c’est la France qui a encouragé mystérieusement ce vote, qui est sans cesse occupée à fomenter dans l’Alsace-Lorraine la conspiration des souvenirs de la fidélité à l’ancienne patrie. La France