On retrouvera dans Mont-Oriol cette qualité maitresse du talent de M. de Maupassant, on y en trouvera d’autres, assez nouvelles chez lui ; on y trouvera je ne sais quel air aussi de négligence dont il fera bien de se garder.
Sachons lui gré d’abord d’avoir choisi pour une fois son sujet et ses personnages dans un monde où nous les pouvons suivre non-seulement sans répugnance, mais encore avec plaisir. Dans quelque monde que se passent les histoires d’amour, et de quelque beau nom que se décore le désir, nous le savons, c’est toujours la même histoire, comme le même dénoûment ; mais la manière importe beaucoup; et, dans la plupart des précédens romans de M. de Maupassant, il faut avouer qu’elle manquait de civilité. Tout aussi fort qu’Une Vie ou que Bel-Ami lui-même, Mont-Oriol est plus convenable. Puisse l’auteur me pardonner ce mot et cette façon de le louer! Aussi bien m’empresserai-je d’ajouter que les hardiesses ne manquent point dans ce Mont-Oriol, ni même encore, par endroits, quelque crudité de termes. Mais, crudités ou hardiesses, je n’en voudrais rien retrancher cette fois, parce qu’on n’en retrancherait rien sans beaucoup nuire à l’effet, à la valeur réelle, et à la psychologie du roman. Car M. de Maupassant a sa psychologie, lui aussi, comme M. de Bonnières et comme M. Bourget : elle est seulement plus physiologique, et comme telle plus scientifique, si nous en voulons croire au moins les philosophes : c’est de la physio-psychologie. Avec une promptitude et une sûreté remarquables, M. de Maupassant va droit aux mobiles élémentaires, et généralement un peu grossiers, qui font agir ses personnages ; mais, en y allant, il se donne le plaisir cruel de les dépouiller des sentimens factices et de la morale conventionnelle dont ils s’enveloppaient. Ou encore, quand il les emprunte à la réalité pour les transporter dans ses nouvelles ou dans ses romans, l’imitation est si parfaite et la copie si semblable à l’original qu’elle en reproduit jusqu’à ce que l’on n’en voyait pas. Vous diriez de ces épreuves dont on ne découvre tout le détail qu’en les développant, et qui servent de la sorte à contrôler la réalité même dont on eût cru qu’elles n’étaient que l’image. D’autres ont d’autres qualités, mais celle-ci, et à ce degré, je ne la vois aujourd’hui que chez M. de Maupassant, et je la vois mieux dans Mont-Oriol que dans Bel-Ami, parce que les modèles y étaient plus complexes et par conséquent plus difficiles à saisir.
C’est dommage que M. de Maupassant n’ait pas assez profondément étudié ou médité son sujet. Il voulait nous montrer quelque chose de bien moderne, comme on dit aujourd’hui, la vie naissante d’une ville d’eaux, l’invention de la source, les faiseurs aussitôt accourus des quatre points de l’horizon, les indigènes atteints à leur tour de la fièvre des spéculations, l’inauguration solennelle de l’établissement des