gênait et contrariait ses plans. Si l’on s’étonne qu’il emploie de si gros et de si dangereux moyens à l’unique fin de remporter une victoire électorale, il est bon de se souvenir du mot du comte Arnim, qui remarquait que pour le chancelier de l’empire allemand il n’y a point de petites choses, et que les éléphans se servent également de leur trompe pour soulever un rocher ou pour ramasser une aiguille. Il est bon de considérer aussi que ces élections dont il a préparé le succès en remuant de si prodigieuses machines avaient à ses yeux une extrême importance, qu’il y allait, selon lui, des destinées de l’Allemagne et de son avenir particulier.
Le traité qu’il vient de faire avec le pape Léon XIII, il avait tenté dès 1872 de le conclure avec le pape Pie IX. Il était revenu de Versailles dans une singulière disposition d’esprit ; à sa joie triomphante se mêlaient des soucis, des mécontentemens, des rancunes. Quiconque a lu avec attention le curieux livre du docteur Busch sait que le chancelier avait de sérieux griefs contre le parti militaire. Il se plaignait qu’au lendemain de leurs grandes victoires, les généraux l’avaient pris de plus haut avec lui, que les batailles gagnées leur avaient enflé le cœur, qu’ivres d’un fol orgueil, ils attribuaient toutes leurs prospérités et l’heureux dénoûment de la pièce à leur savante et infaillible stratégie, oubliant que leurs succès avaient été préparés de loin par un ministre des affaires étrangères très avisé, très prévoyant, très habile, et protégés par lui contre les jalousies et le mauvais vouloir de l’Europe. Il ressentait une vive irritation contre le grand état-major, qui le traitait avec un incroyable sans-gêne, ne le consultait sur rien, lui refusait les informations, les renseignemens dont sa politique avait besoin pour combiner ses plans et ourdir ses tramps. — « Je les punirai, disait-il un jour à son confident, en devenant le plus parlementaire des hommes. »
Il rentrait à Berlin avec le dessein arrêté de se mettre au mieux avec son parlement, de s’y créer une majorité compacte, dont il pût se couvrir contre toutes les entreprises. Aussi éprouva-t-il quelque chagrin en apprenant qu’un parti confessionnel était en voie de formation dans les provinces catholiques de l’empire. Cette affaire lui parut louche, il en devina sur-le-champ les fâcheuses conséquences, et, comme il ne sépare jamais les questions d’affaires des questions de personnes, sa défiance redoubla quand le parti du centre se donna pour chef un juriste diplomate, très versé dans la casuistique constitutionnelle, d’esprit retors et de goûts belliqueux, a un Hanovrien, disait-il, qui avait ressenti quelque répugnance à devenir Prussien, qui n’avait jamais prouvé qu’il eût surmonté cette répugnance et qui semblait n’applaudir à la création du nouvel empire allemand qu’en se réservant le bénéfice d’inventaire. »
Dès ce temps-là, il courut le projet de traiter avec le pape par-dessus