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ressemblance, on peut dire de leur identité avec ceux des bords de la Somme, tellement la forme, la dimension et le procédé de fabrication sont les mêmes de part et d’autre. Cette régularité de contour qui les a fait comparer à une amande est encore plus frappante dans une pierre de Leira, au nord-ouest de Lisbonne. Certains de ces instrumens, qui ne sont pas les moins curieux, ont été rencontrés dans des cavernes, circonstance intéressante, parce qu’elle indiquerait la propension des hommes de ce premier âge à les utiliser, en Portugal, comme lieux de refuge, tandis qu’en France l’absence de pareils indices, à la même époque, donne à supposer qu’elles étaient inhabitables. N’oublions pas que l’homme était ici dans une région méridionale où les encombremens glaciaires et les phénomènes torrentiels n’atteignirent jamais l’intensité qu’ils avaient ailleurs, soit par l’effet de la latitude, soit par celui du voisinage de grandes chaînes envahies par les glaciers. Le mélange des objets, ceux de l’industrie « moustiérienne » avec les « chelléens, » ceux des âges de Solutré et « madaleinien, » ou des stations de la Dordogne, respectivement associés, marquent des passages, peut-être des progrès dans l’outillage, progrès qui se traduisent surtout par la division du travail, la spécialisation croissante des instrumens. Le plus ancien est, pour ainsi dire, unique; il est à deux fins : il est une arme et secondairement il sert d’outil; mais, à l’âge madaleinien, sans sortir du silex et de l’os, quelle variété l’homme a graduellement introduite dans les objets qu’il façonne ! Les arts d’imitation et d’ornementation ont fait leur apparition, et ce qui prouve que ces tendances nouvelles n’ont rien d’isolé ni d’exceptionnel, mais qu’elles dépendent d’un instinct de la race même, ce sont les vestiges répétés de gravure au trait sur les ossemens ouvrés qui accompagnent les silex madaleiniens de la grotte d’Altamira, non loin de Santander. Le renne, ce compagnon assidu des stations françaises de cet âge, fait absolument défaut, il est vrai, à celles d’Espagne; mais cette absence ne doit pas étonner; elle est caractéristique en Provence, et, à Menton aussi bien qu’en Espagne, elle atteste que, favorisé par le froid de l’Europe centrale et par l’extension des glaciers des massifs alpins et pyrénéens, le renne ne dépassait pas, au sud, une limite déterminée; même dans ses migrations d’hiver, il ne s’écartait pas d’un certain périmètre, et, comme de nos jours, le froid et la glace lui étaient nécessaires.

Après la disparition complète du mammouth ; après le retrait du renne et des immenses glaciers ; après le temps correspondant à l’âge où l’homme fabriquait, en éclatant le silex, des grattoirs, des couteaux, des poinçons, des burins, des pointes de dards, où avec l’os façonné il obtenait des traits, des harpons, des bouts de javelines, des aiguilles, nous sortons du quaternaire et nous pénétrons dans les