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manifestent l’un comme l’autre par un même accroissement général d’activité. Selon M. Spencer même, la douleur est essentiellement une diminution de l’activité vitale ; si donc elle provoque souvent l’action, ce ne peut être que par une réaction ultérieure et non primitive. Nous ne pouvons de même accorder à M. Mosso que la quantité seule, et non la qualité de l’émotion, « pèse sur la balance de l’expression. » Non; il doit y avoir dès le début, au point de vue de la direction générale des mouvemens, une différence de qualité entre le plaisir et la douleur.

Reprenons donc le problème du côté psychologique, et essayons de remonter ainsi jusqu’à l’effet premier de l’émotion agréable ou de l’émotion douloureuse.


III.

Si les physiologistes avaient considéré les émotions dans leurs élémens psychologiques, ils se seraient mieux rendu compte de leurs manifestations ; ils n’auraient pas abouti parfois à une confusion inextricable. M. Warner en est un exemple : il exclut systématiquement « toute considération subjective et psychologique; » par cela même, il se prive de fil conducteur dans le labyrinthe des mouvemens expressifs. Est-ce que l’expression, encore une fois, ne suppose pas par définition même un rapport avec le mental ? Il faut donc partir des phénomènes mentaux élémentaires. Or, dans toute passion, il y a d’abord un élément intellectuel, — perception ou idée, — puis un élément sensible, — plaisir et douleur, — Enfin un élément volitif, — Désir et aversion. D’ailleurs, il n’y a pas un seul changement mental qui ne soit, à divers degrés, sensation, émotion et volition, pas plus qu’il n’y a de mouvement possible dans l’organisme qui ne soit afférent par son point d’entrée, central par son point d’arrivée et afférent par son point de sortie. Il faut donc, pour rendre compte d’un mouvement expressif, chercher: 1° l’état sensitif et intellectuel qu’il exprime ; 2° l’état affectif; 3° l’attitude correspondante de la volonté.

C’est en effet ce que l’expérience confirme. Il y a en premier lieu, dans toute passion, des mouvemens qui expriment l’effet intellectuel produit sur les organes des sens et sur les centres cérébraux de perception ou de représentation. La bouche, organe du goût, le nez, organe de l’odorat, les mains et la surface du corps, organes du toucher, les oreilles, les yeux, prennent toujours une part directe ou indirecte à l’expression de tout sentiment. Le travail intellectuel de perception, ou celui de simple représentation, s’exprime aussi toujours par l’afflux du sang à la tête, par les signes de l’effort d’attention.