Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 80.djvu/164

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

donc être réglée de manière à fournir aux centres nerveux, lorsque leur substance s’use et se dépense pour une cause quelconque, une quantité suffisante de sang nourricier. C’est cette condition organique qui entraîne avec elle des désavantages accidentels. Ainsi, durant une forte émotion comme la crainte, il y a usure de substance dans le cerveau : selon les lois physiologiques, le sang se trouve alors appelé de la périphérie au cerveau; les vaisseaux de l’œil et en particulier de l’iris se contractent, la pupille se dilate, et enfin, par une conséquence nécessaire, la clarté de la vision est notablement empêchée. Quant au mouvement de contraction des sourcils, il est lié physiologiquement aux « mouvemens de l’attention » requis pour apercevoir un objet le plus distinctement possible. Ces mouvemens se sont associés ensuite avec ceux de l’effort en général, et, de là, avec les émotions où la peine entre comme élément. Voilà pourquoi nous contractons les sourcils dans la lutte et dans la douleur. On voit la nécessité, pour expliquer le langage des sentimens, de subordonner le point de vue biologique de l’évolution aux lois de la physiologie. Passons donc à ce second ordre d’explications, pour en marquer l’étendue et les limites.


II.

Au point de vue physiologique, la loi qui unit l’émotion à ses signes extérieurs est la même qui régit toutes les manifestations de la vie et même de la force : c’est l’équivalence des mouvemens. A un moment donné, la quantité de force nerveuse qui correspond à l’état de conscience appelé sensation doit nécessairement se dépenser de quelque manière et engendrer quelque part une manifestation équivalente de force. La force dépensée, à son tour, peut suivre trois voies différentes. Tantôt l’excitation nerveuse se transforme simplement en mouvemens cérébraux, corrélatifs d’une agitation de l’esprit; c’est ce qui a lieu, par exemple, quand un enfant écoute un récit qui l’intéresse et l’émeut. Tantôt l’excitation nerveuse se transforme en mouvemens des viscères et suit les nerfs ganglionnaires; par exemple, des pensées agréables aident la digestion ; la peur peut frapper d’inertie les nerfs de l’intestin, particulièrement les vaso-moteurs, et amener une affluence de produits liquides dans le tube intestinal ; le cœur bat plus vite dans l’émotion ou parfois s’arrête, et cette influence a lieu par l’intermédiaire des nerfs pneumo-gastriques. Tantôt enfin l’excitation nerveu.se, suivant les nerfs moteurs, se transforme en mouvemens des muscles, qui deviennent alors les signes les plus extérieurs et les plus visibles de l’émotion : une brûlure au doigt contracte