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sol. Le seul danger qu’il court, c’est de tomber dans quelque ornière laissée par elles et d’y rester.

Pour moi, la politique intérieure est une de ces redoutables voies creuses où les chariots s’embourbent sans que ni l’adresse ni la colère puissent les dégager. Les Grecs semblent fort avancés en politique ; au moins ils en sont fort occupés, comme leurs ancêtres. Si l’on en jugeait par le nombre de leurs journaux et par la diversité des appréciations, on croirait que l’opinion suit les courans les plus divers et manque totalement d’unité. Si l’on va plus au fond des choses, on s’aperçoit que la presse n’exerce qu’une très petite influence sur la marche des choses ; la plupart des journaux sont des entreprises privées qui ne se rattachent à aucun parti ; ce sont de petites créations commerciales où le plus souvent les fondateurs font de mauvaises ou de médiocres affaires. Un petit nombre ont plus d’importance, parce que ce sont les journaux des chefs de parti et les organes de leur politique. Il en est chez les Grecs à peu près comme chez nous et dans le reste de l’Europe. Il y a en tout quatre ou cinq journaux dont la lecture peut nous édifier sur la politique courante des personnages les plus en vue.

Quand on les lit d’une manière suivie et qu’on se donne la peine d’étudier les discussions de la chambre, on constate facilement que toutes les questions se ramènent à des questions de personne. Nous avons encore chez nous des familles aristocratiques, bien souvent mésalliées, mais que leur nom rattache à l’ancienne noblesse. La plupart tiennent pour la monarchie, même depuis la mort du dernier prince de la branche aînée. La nouvelle aristocratie, créée par les Napoléons, un certain nombre de militaires et, dans le peuple, quelques gens séduits ou abusés, forment un parti impérialiste. La masse de la nation est en ce moment républicaine, mais elle se partage en modérés, en progressistes ardens et en fous. Ce ne sont pas là des questions de personne, mais d’opinion et de système politique. Il faut ajouter à ces causes de divergence les problèmes qui se rattachent à l’organisation des églises et à leurs rapports avec l’état. Quoique le clergé latin n’ait pas plus de motifs d’être pour la royauté que pour la république, cependant il a toujours pris parti dans les affaires de l’état et il s’est porté dans un sens ou dans un autre. Rien de pareil n’existe en Grèce. Le roi Othon a laissé des regrets un peu mélancoliques dans quelques cœurs ; mais il n’y a pas de parti othoniste, parce que ce roi n’a pas eu d’enfans. Quant aux républicains, on peut dire que tous les Grecs le sont et pratiquent la démocratie sous le gouvernement monarchique qu’ils se sont donné. Leur clergé pense comme les laïques pour deux raisons : la première est que les prêtres sont mariés et citoyens au même titre que les autres; la seconde, c’est qu’ils ne relèvent pas