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des pays musulmans, où ils ne trouvent pas à s’instruire. Ces étudians sont tous externes, vivant dans des maisons privées ou dans des hôtels, comme nos étudians de Paris. Ils forment une population assez remuante, fort occupée des affaires publiques et s’y mêlant quelquefois, comme jadis les élèves de notre École polytechnique.

Les cours entre lesquels ils se distribuent sont au nombre de 107, dont 52 sont faits par des professeurs titulaires et les autres par des agrégés. Ces divers enseignemens sont partagés en quatre groupes, répondant à peu près à nos facultés ; ce sont la théologie, la philosophie, le droit et la médecine, à laquelle il faut ajouter la pharmacie. La philosophie, mot grec pris dans le sens que lui ont donné les Allemands, comprend les lettres et les sciences, et est représentée à elle seule par 35 professeurs; la médecine en a plus encore, elle en a 44 ; la théologie en a 9 et le droit 19. Telle est la distribution de l’enseignement entre les professeurs.

La répartition des élèves entre les chaires est fort curieuse : elle répond peut-être aux besoins du pays, mais elle est bien plutôt l’effet d’une tendance naturelle de l’esprit grec. En effet, le nombre des élèves, dans cette dernière année 1886, a été de 2,634, dont presque la moitié (1,281) est pour les étudians en droit et 867 pour la médecine. Les lettres et Tes sciences réunies n’ont compté que 410 étudians, tandis que, si à ceux de la médecine on ajoute les 40 élèves en pharmacie, le total dépasse 900. En résumé, l’université d’Athènes produit surtout des avocats et des médecins, quelques hommes de lettres et quelques savans. La Grèce a-t-elle besoin d’un aussi grand nombre de médecins et d’avocats? Non, sans doute; les avocats fourmillent dans Athènes et dans les autres villes ; le plus grand nombre sont des avocats sans causes, dont les uns meurent de faim et les autres sont des jeunes gens riches qui veulent avoir un titre pour s’en parer. La carrière du droit est encombrée, comme chez nous du reste et comme dans une grande partie de l’Europe ; il est difficile de percer au milieu des hommes distingués que comptent le barreau et la magistrature du pays. On cherche alors fortune, comme chez nous encore, dans la politique ou dans le journalisme, mais on se trouve à ce moment dans les conditions de l’Alcibiade de Platon, on se mêle de ce que l’on ne connaît pas. La carrière médicale est aussi obstruée que celle du droit. Ce n’est pas qu’il y ait trop de médecins dans le royaume; il y a des régions qui en sont totalement dépourvues; mais quand on a fait des études supérieures dans la capitale et que souvent on les a complétées à Paris ou à Vienne, comment consentir à s’enterrer dans quelque village du Cyllène ou du Parnasse? On le ferait peut-être par dévoûment pour l’humanité, mais il faut vivre soi-même,